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teur du grand-duc[1], et que vous pourrez profiter de cette disposition des esprits.

Oserais-je, monseigneur, vous soumettre une idée qu’un zèle peut-être fort mal éclairé me suggère ? On m’a fait promettre d’aller faire un tour à Wurtemberg, à Anspach, à Brunswick, à Baireuth, à Berlin. S’il se pouvait faire que l’empereur me chargeât de lettres pressantes pour les princes de l’empire dont il espère le plus, si je pouvais porter au roi de Prusse les copies des réponses faites à l’empereur, ne pourrait-on pas pousser alors le roi de Prusse dans cette association tant désirée, qui se trouverait déjà signée en effet par tous ces princes ? On saurait du moins alors certainement à quoi s’en tenir sur le roi de Prusse, et, s’il abandonnait la cause commune, ne pourriez-vous pas, à ses dépens, faire la paix avec la reine de Hongrie ? Vous ne manquerez de ressources ni pour négocier ni pour faire la guerre. Je vous demande pardon pour mes rêves, qui sont les très-humbles serviteurs de votre raison supérieure.


1625. — DE FRÉDÉRIC II, ROI DE PRUSSE.
(Octobre.)

J’ai bien cru que vous seriez content de ma sœur de Brunswick[2] ; elle a reçu cet heureux don du ciel, ce feu d’esprit, cette vivacité par où elle vous ressemble, et dont malheureusement la nature est trop chiche envers la plupart des humains

De cette flamme tant vantée
Que l’audacieux Prométhée
Du ciel pour vous sembla ravir,
Mais dont sa main trop limitée
Ne put assez bien se munir
Pour que la cohue effrontée
Des humains en pût obtenir.

C’est là cependant leur folie ;
Chacun d’eux prétend au génie,
Même le sot croit en avoir,
Et, du matin jusques au soir,
Prend pour esprit l’étourderie.
La bégueule, avec son miroir,
Le met dans sa minauderie ;
Le gros savant, qui fait valoir

  1. François-Étienne, marié en 1736 à Marie Thérèse, et grand-duc de Toscane depuis juillet 1737 ; empereur en septembre 1745.
  2. Philippine-Charlotte, que Voltaire avait sans doute vue, pour la première fois en octobre 1713 ; voyez page 250.