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316 REMARQUES SUR ARIANE.

SCENE JV.

Vers I. Approchez-vous, Thésée, et perdez celte crainte.

Cotte scène est très-touchante au théâtre, du moins do la part d'Ariane : elle le serait encore davantage si Ariane n'était pas tout à fait sûre do son malheur. 11 faut toujours faire durer celle incertitude le plus qu'on peut; c'est elle qui est l'âme de la tra- gédie : l'auteur l'a si bien senti qu'Ariane semble encore douter du changement de Thésée, quand elle doit en être sûre. Pourquoi m'aborder, dit-elle, la rougeur au front, quand rien ne vous confond? et, si ce qu'on m'a dit a quelque vérité, etc.; c'est s'exprimer en doutant, et c'est ce qui est dans la nature ; mais il ne fallait donc pas quo, dans les scènes précédentes, on l'eûl instruite positive- ment qu'elle était abandonnée.

Vers 5. Un héros tel que vous, à qui la gloire est chère, Quoi qu'il fasse, ne fait que ce qu'il voit à faire ;

Le labyrinthe ouvert

Vous fit fuir le trépas

Voilà de mauvais vers ; et ceux-ci ne sont pas meilleurs :

Et que s'est-il offert que je pusse tenter,

Qu'en ta faveur ma flamme ait craint d'exécuter?

Mais aussi il y a dos vers très-heureux, comme

Eblouis-moi si bien

Que je puisse penser que tu ne me dois rien... Je te suis, mène-moi dans quelque île déserte... Tu n'as qu'à dire un mot, ce crime est effacé. C'en est fait, tu le vois, je n'ai plus de colère.

Mais surtout

Remène-moi, barbare, aux lieux où tu m'as prise

est admirable.

Le cœur humain est surtout Lion développé et bien peint, quand Ariane dit à Thésée: Ole-loi de uns yeux; je ne veux pas avoir l'affront que tu me quittes, et que dans le moment même elle est au désespoir qu'il prenne congé d'elle. 11 y a beaucoup devers dignes de Racine, et entièrement dans son goût; ceux-ci, par exemple :

As-tu vu quelle joie a paru dans ses yeux ? Combien il est sorti satisfait de ma haine? Que de mépris 1

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