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ACTE IV, SCÈNE II. ;'17

Vers 33. J'aime, et peut-être plus qu'on n'a jamais aimé.

Ce vers prouve encore que ceux qui ont dit que Corneille dédaignait de faire parler d'amour ses héros se sont bien trom- pés. Ce vers est d'autant plus déplacé dans la Louche de Serto- rius qu'il n'a rien dit jusqu'ici qui puisse faire croire qu'il ait une grande passion, llien ne déplaît plus au théâtre que les expressions fortes d'un sentiment faible; plus on cherche alors à attacher, et moins on attache.

Et qu'est-ce qu'une reine qui est sensible à de nouveaux désirs, et qui entend des raisons et non pas des soupirs !

Et cette suivante qui n'entend pas bien ce qu'un soupir veut dire, et qui serait un meilleur truchement! Non, jamais on n'a rien mis de plus mauvais sur la scène tragique. On dira tant qu'on voudra que cette critique est dure; jo dois et je veux la publier, parce que je déteste le mauvais autant que j'idolâtre le bon.

Vers 49. La voici. Profitez des avis qu'on vous donne,

Et gardez bien surtout qu'elle ne m'en soupçonne.

Profitez de mes avis, mais ne me nommez pas, discours de sou- brette ridicule. A quoi sert cette froide scène de comédie? Mais il faut remplir son acte ; mais il faut donner à un parterre, sou- vent ignorant, grossier, et tumultueux, trois cents vers pour les cinq sous qu'on payait alors. Non, il faut bien plutôt ne donner que deux cents beaux vers par acte que trois cents mauvais. Il ne faut point prostituer ainsi l'art de la poésie. Il est honteux qu'il y ait en France un parterre où les spectateurs sont debout, pres- sés, gênés, nécessairement tumultueux. Peut-être c'est encore un mal qu'on donne des spectacles tous les jours : s'ils étaient plus rares, ils pourraient devenir meilleurs :

Voluptates commendat rarior usus 1 .

SCÈNE II.

Vers 1 . On m'a dit qu'Aristie a manqué son projet.

Cette scène, remplie d'ironie et de coquetterie, semble bien peu convenable à Sertorius et à Viriate. Les vers en paraissent aussi contraints que les sentiments. Mais quand on voit ensuite Sertorius qui dit qu'il aime malgré ses cheveux gris, et qu'il a cru

1. Juvénal, XI, '208.

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