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mais il leur fit faire un long circuit dans le désert qui est sur la mer rouge ; et ils sortirent ainsi en armes de l’égypte... or le seigneur marchait devant eux, et leur montrait le chemin pendant le jour par une colonne de nuée, et la nuit par une colonne de feu. [1]. Or Dieu parla à Mosé, disant : dites aux enfans d’Israël qu’ils aillent camper vis-à-vis de Baal-Séphon, sur le rivage de la mer ; car pharaon va dire, ils sont enfermés dans le désert, et j’endurcirai son cœur... [2]. Pharaon fit donc atteler son char, et prit avec lui tout son peuple aux six cents chars de guerre choisis [3] et tous les chefs de l’armée ; car le seigneur avait endurci le cœur du pharaon roi d’égypte ; ... et le seigneur dit à Mosé : pourquoi cries-tu à moi, dis aux enfans d’Israël qu’ils marchent ; [4]

    Canaan aux israëlites, ne les y mene pas tout droit, mais les conduise par un chemin opposé dans un désert où il n’y a ni eau ni vivres. Calmet dit, que c’est de peur que les cananéens ne les battissent. Cette raison de Calmet est fort mauvaise ; car il était aussi facile à Dieu d’égorger tous les premiers-nés cananéens que les premiers-nés égyptiens. Il vaut bien mieux dire que les desseins de Dieu sont impénétrables.

  1. les incrédules ont dit que cette colonne de nuée était inutile pendant le jour, et ne pouvait servir qu’à empêcher les juifs de voir leur chemin. C’est une objection très frivole. Dieu même était leur guide, et ils ne savaient pas où ils allaient.
  2. tous les géographes ont placé Baal-Séphon, ou Bel-Séphon, au-dessus de Memphis sur le bord occidental de la mer rouge, plus de cinquante lieues au-dessus de Gessen, d’où les juifs étaient partis. Dieu les ramenait donc tout au milieu de l’égypte, au lieu de les conduire à ce Canaan tant promis ; mais c’était pour faire un plus grand miracle ; car il dit expressément : je veux manifester ma gloire en perdant pharaon et toute son armée ; car je suis le seigneur.
  3. s’il y avait environ vingt-quatre millions de familles en égypte, l’armée de pharaon dut être de vingt-quatre millions de combattans, en comptant un soldat par famille ; mais Dieu avait déjà tué le premier-né de chaque famille : il faut donc supposer que tous les puinés étaient en âge de porter les armes pour former tout le peuple en corps d’armée. à l’égard des chevaux, il est dit que toutes les bêtes de somme avaient péri par la sixieme plaie, et que tous les premiers-nés étaient morts par la derniere ; mais il pouvait rester des chevaux encore.
  4. les incrédules, et même plusieurs commentateurs, ont voulu expliquer ce miracle. L’historien Flavien Joseph le réduit à rien, en disant qu’il en arriva presque autant au grand Alexandre quand il cotoya la mer de Pamphilie ; et dans la crainte que les romains ne prissent le miracle du passage de la mer Rouge pour un mensonge et ne s’en moquassent, il dit, qu’il laisse à chacun la liberté d’en croire ce qu’il voudra. Il faut bien qu’un historien laisse à son lecteur la liberté de le croire et de ne pas le croire, de l’approuver ou d’en rire. On la prendrait bien sans lui. L’auteur sacré est bien loin d’employer les ménagemens et les subterfuges du juif Flavien Joseph, d’ailleurs très respectable. Il vous donne le passage de six cents mille juifs à travers les eaux de la mer suspendues, et tant de millions d’égyptiens