Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome30.djvu/411

Cette page n’a pas encore été corrigée

DU JOURNAL DE POLITIQUE, ETC. 401

millions, ce qui fait quatre milliards et environ cinq cent mille livres de notre monnaie courante : c'est deux fois plus d'espèces qu'il n'en existe dans le royaume.

Remarquons que parmi les dettes de ce prince, on trouve, dans le dépouillement qu'en fit M. de Forbonnais cent trente- six mille livres pour le pain des prisonniers que le jésuite Le Tellier avait fait renfermer à la Bastille, à Vincennes, à Pierre-Encise, à Saumur, à Loches, sous le prétexte de jansé- nisme.

Tous ces désastres avaient commencé à la mort de Colbert, qui laissa en mourant la recette égale à la dépense dans l'année 1683. Depuis cette époque l'édifice élevé par lui s'écroula insen- siblement. Les malheurs de la guerre, les querelles de religion, rincapacité dos ministres, les persécutions des confesseurs du roi, les déprédations des traitants, firent enfin de la France si llorissante un objet de pitié.

Les recueils d'Adrien de .\oaiiles donnent peu de lumières sur les anecdotes de ces temps malheureux. Il faut espérer qu'on sera plus éclairé parles vrais Mémoires d'Hector de Villars, qu'on pourra joindre avec ceux d'Adrien de Noailles.

Après la mort de Louis XIV, le duc Adrien de Noailles joua un grand rôle. Le duc d'Orléans, déclaré au parlement de Paris régent absolu du royaume, changea dès le lendemain toute l'ad- ministration du feu roi, selon l'usage des propriétaires, qui font ordinairement tout le contraire de ce qu'ont fait ceux auxquels ils succèdent.

Aux bureaux des ministres de Louis XIV on substitua des conseils, d'abord applaudis par la nation, mais dont on se dé- goûta bientôt, et que le régent fut obligé d'abolir. Ces nouveaux conseils, et toute cette forme d'administration, avaient été arran- gés par le marquis de Canillac, le président de Maisons, et le marquis d'Effiat. Maisons devait être garde des sceaux. Longe- pierre, auteur de quelques déclamations intitulées tragédies, aurait tenu la plume. Nous trouverons peut-être ces pai'ticula- rités dans les Mémoires du maréchal de Villars, et dans ceux du duc de Luynes. Adrien de Noailles fut à la tête du conseil des Jinances, sous le maréchal de Villcroi, qui ne se mêlait de rien. Noailles, capitaine des gardes, élevé à la cour, ayant été occupé dans les négociations et dans les armées, était tout neuf dans l'administration des finances ; mais son esprit semblait facile, appliqué, ardent au travail, capable de s'instruire de tout, et de travailler dans tous les genres.

30. — Mélanges. IX. 26

�� �