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DU JOURNAL DE POLITIQUE, ETC. 383

Si M. J.-P. Marat traite mal ses contemporains, il faut avouer qu'il ne traite pas mieux les anciens philosophes. (( Les auteurs les plus distingués, dit-il dans son discours préliminaire, Aristote, Socrate, Platon, Diogène, Épicure, disent bien chacun que l'âme est un esprit ; mais ils croient tous cet esprit une matière subtile et déliée. Ainsi, faute de bonnes observations, les philosophes furent arrêtés dès les premiers pas, et tout leur savoir se borna à distinguer l'homme du reste des animaux par sa configuration corporelle. »

Nous représenterons d'abord qu'il ne doit rien reprocher à Socrate, puisque Socrate n'a jamais rien écrit ; nous le ferons souvenir que Platon fut le premier, chez les Grecs, qui enseigna non-seulement la spiritualité de l'âme, mais encore son immor- talité.

Nous lui dirons qu'Aristote, le précepteur d'Alexandre, savait fort bien distinguer son pupille de Bucéphale, et n'a jamais dit dans aucun de ses ouvrages qu'il n'y eût d'autre différence entre Alexandre et son cheval, sinon qu'Alexandre avait deux bras et deux pieds, et son cheval quatre jambes.

Nous ferons encore souvenir M. Marat qu'Épicure ne disait point que l'âme fût un esprit; il disait, comme tous ses dis- ciples, que l'homme pense avec sa tête comme il marche avec ses pieds.

A l'égard de Diogène, il faut avouer que ce n'est guère un homme à citer, non plus que ceux qui ont voulu faire parler d'eux en l'imitant.

M. Marat croit avoir découvert que le suc des nerfs est le lien de communication entre les deux substances, le corps et l'âme.

C'est avoir fait en eifet une grande découverte que d'avoir vu de ses yeux cette substance qui lie la matière et l'esprit. Ce suc est apparemment quelque chose qui tient des deux autres, puis- qu'il leur sert de passage, comme les zoophytes, à ce qu'on pré- tend, sont le passage du règne végétal au règne animal.

Mais comme personne n'a jamais vu, du moins jusqu'à pré- sent, ce suc nerveux qui sert de médiateur à l'esprit et à la ma- tière, nous prierons l'auteur de nous le faire voir, afin que nous n'en doutions pas.

Voici comme l'auteur s'exprime ensuite : <( J'entends ici les métaphysiciens s'écrier : Quoi donc ! l'âme est-elle si matérielle ({ue la matière agisse sur elle ? Laissons ces hommes orgueilleu- sement ignorants, qui ne veulent admettre que ce que leur esprit

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