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360 LETTRE

Cette exposition passe pour un chef-d'œuvre de l'esprit humain. Fout y est simple sans bassesse, et grand sans enflure ; point de déclamation, rien d'inutile. Acomat développe tout son caractère en deux mots, sans vouloir se peindre. Le lecteur s'aperçoit à peine que les vers sont rimes, tant la diction est pure et facile : il voit d'un coup d'œil la situation du sérail et de l'empire; il entrevoit, sans confusion, les plus grands intérêts.

Aimeriez-vous mieux la première scène de Roméo et Juliette, l'un des chefs-d'œuvre de Shakespeare, qui nous tombe en ce moment sous la main? La scène est dans une rue de Vérone, entre Grégoire et Samson, deux domestiques de Capulet.

SAM s ON.

Grégoire, sur ma parole nous ne porterons pas de charbon.

GRÉGOIRE.

Non, car nous serions charbonniers ^

SAMSOX.

J'entends que quand nous serons en colère nous dégainerons,

GRÉGOIRE.

Eh oui ! pendant que tu es en vie, dégaine ton cou du collier.

SAMSOX.

Je frappe vite quand je suis poussé.

GRÉGOIRE.

Oui, mais tu n'es pas souvent poussé à frapper.

SAMSOX.

Un chien de la maison de Montaigu, l'ennemie de la maison de Capulet, notre maître, suffit pour m'émouvoir.

GRÉGOIRE.

S'émouvoir, c'est remuer; et être vaillant, c'est être droit. (7/ y a ici une équivoque d'une obscénité grossière.) Ainsi, si tues ému, tu t'enfuiras.

SAMSOX.

Un chien de cette maison me fera tenir tout droit. Je prendrai le haut du pavé sur tous les hommes de la maison Montaigu, et sur toutes les filles.

GRÉGOIRE.

Cela prouve que tu es un poltron de laquais, car le poltron, le faible, se retire toujours à la muraille.

SAMSOX.

Cela est vrai ; c'est pourquoi les filles, étant les plus faibles,

1. Ce sont de nobles métaphores de la canaille. {Xote de Voltaire.)

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