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A L'ACADÉMIE FRANÇAISE. 339

humilier sa patrie ? Pourquoi dit-il : « A Paris, de légers Aristar- ques ont déjà pesé dans leur étroite balance le mérite de Shakespeare; et quoiqu'il n'ait jamais été traduit ni connu en France, ils savent quelle est la somme exacte et de ses beautés et de SCS défauts. Les oracles de ces petits juges effrontés des nations et des arts sont reçus sans examen, et parviennent, à force d'échos, à former une opinion*. » Nous ne méritons pas, ce me semble, ce mépris que monsieur le traducteur nous prodigue. S'il s'obstine à décourager ainsi les talents naissants des jeunes gens qui voudraient travailler pour le théâtre français, c'est à vous, messieurs, de les soutenir dans cette pénible carrière. C'est surtout à ceux qui parmi vous ont fait l'étude la plus appro- fondie de cet art à vouloir bien leur montrer la route qu'ils doivent suivre, et les écueils qu'ils doivent éviter.

Quel sera, par exemple, le meilleur modèle d'exposition dans une tragédie? Sera-ce celle de Bajazct, dont je rappelle ici quelques vers qui sont dans la bouche de tous les gens de lettres, et dont le maréchal de Villars^ cita les derniers avec tant d'énergie quand il alla commander les armées en Italie, à l'âge de quatre-vingts ans (acte I, scène i) ?

Que faisaient cependant nos braves janissaires? Rendent-ils au sultan des hommages sincères ? Dans le secret des cœurs, Osmin, n'as-tu rien lu? Amurat jouit-il d'un pouvoir absolu?

os MIN.

Amurat est content, si nous le voulons croire, Et semblait se promettre une heureuse victoire; Mais en vain par ce calme il croit nous éblouir, Il affecte un repos dont il ne peut jouir. C'est en vain que, forçant ses soupçons ordinaires, Il se rend accessible à tous les janissaires :

��Ils regrettent le temps à leur grand cœur si doux, Lorsque assurés de vaincre ils combattaient sous vous.

A C M A T .

Quoi! tu crois, cher Osmin, que ma gloire passée Flatte encor leur valeur, et vit dans leur pensée? Crois-tu qu'ils me suivraient encore avec plaisir, Et qu'ils reconnaîtraient la voix de leur visir?etc.

1. Page 30 du Discours sur les préfaces. {Note de Voltaire.}

2. Voyez tome XIV, page 142.

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