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DU PÈRE POLYCARPE. 333

Mais vous me rassurez, monsieur; vous avez très-bien prouvé que « les droits féodaux sont une portion intégrante de la pro- priété des seigneurs ; que nos rois ont déclaré eux-mêmes qu'ils sont dans l'heureuse impuissance d'y donner atteinte », Cette admirable sentence nous rassure pleinement contre les fausses et pernicieuses maximes du chancelier de Rochefort et de vos historiens, contre les arrêts surannés du parlement de Toulouse.

Nous lisions, monsieur, avec des larmes d'attendrissement, ces paroles si consolantes de votre plaidoyer : a Les coutumes, rédigées sous les yeux des magistrats et en vertu de l'autorité du roi, ne sont que l'effet de la convention et du concert des trois ordres rassemblés, qui y ont donné leur consentement et s'y sont librement et volontairement soumis ; » lorsqu'un curé, qui avait été autrefois avocat, et qui jusque-là avait entendu tranquillement notre lecture, nous interrompit brusquement, et nous dit que la plupart des coutumes n'étaient que des monuments d'imbécillité et de barbarie^ ; qu'elles avaient toutes été rédigées ou dans les états des provinces ou dans les assemblées des commissaires à la pluralité des voix, et que par conséquent les ignorants avaient toujours prévalu sur le petit nombre des sages. Il nous dit que tous les jurisconsultes qui ont de la célébrité attestent que c'est ainsi que les coutumes ont été rédigées. Il nous cita le fameux Charles Dumoulin, qui dit que « les coutumes ont été rédigées contre l'intention des rois, en ce que la plupart sont obscures, contradictoires, iniques- ». Il nous cita d'Argentré, l'un des com- missaires qui avaient assisté à la rédaction de la coutume de Bretagne, lequel, dans la préface de son Commentaire sur cette coutume, avoue que l'avis des ignorants prévalut presque tou- jours sur celui des juriconsultes humains et instruits. Il nous cita aussi le titre xiv du livre IV du Traité des fiefs de Cujas, où l'on trouve ces paroles : Multa sunt in moribus Gallix dissen- tanea, multa sine ratione. Il ajouta que les habitants des cam- pagnes, sur lesquels tombe tout le poids des droits féodaux, n'avaient jamais été appelés à la rédaction des coutumes, et qu'il n'est pas vrai par conséquent qu'ils s'y soient volontairement soumis.

Après nous avoir étalé toutes ces autorités et beaucoup d'autres encore, ce curé nous dit qu'il suffisait d'ouvrir les coutumes pour se convaincre de la vérité qu'il soutenait. Je lui répondis

1. Voyez tome XXVIII, page 570,

2. Tome II, page 399, édition de 1081. (Note de Voltaire.)

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