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maris ; et un diable nommé Asmodée les avait tous tués dès qu’ils étaient entrés en elle. Cette servante lui dit donc : ne veux-tu pas me tuer aussi, comme tu as tué tes sept maris[1] ? Or Tobie dit à Tobie son fils : je t’avertis que, lorsque tu n’étais qu’un petit enfant, je donnai dix talents d’argent à Gabélus sur sa promesse dans Ragès ville des medes ; c’est pourquoi va le trouver, retire mon argent, et rends-lui son billet... Tobie fils rencontra alors un jeune homme très beau, dont la robe était retroussée à sa ceinture... et ne sachant pas que c’était un ange de Dieu, il le salua et lui dit : d’où es-tu, mon bon adolescent ? ... et il se mit en chemin avec l’ange Raphaël, et il fut suivi du chien de la maison…[2].

  1. jamais les juifs jusqu’alors n’avaient entendu parler d’aucun diable ni d’aucun démon ; ils avaient été imaginés en Perse dans la religion des Zoroastres ; delà ils passerent dans la Chaldée, et s’établirent enfin en Grece, où Platon donna libéralement à chaque homme son bon et son mauvais démon. Shamadaï, que l’on traduit par Asmodée, était un des principaux diables. Don Calmet dit dans sa dissertation sur Asmodée, qu’on sait qu’il y a plusieurs sortes de diables, les uns princes et maîtres démons, les autres subalternes et assujettis . Tout semble servir à prouver que les hébreux ne furent jamais qu’imitateurs, qu’ils prirent tous leurs rites les uns après les autres chez leurs voisins et chez leurs maîtres, et non seulement leurs rites, mais tous leurs contes. Les termes dont se sert l’auteur du livre de Tobie, insinuent qu’Asmodée était amoureux et jaloux de Sara. Cette idée est conforme à l’ancienne doctrine des génies, des silphes, des anges, des dieux de l’antiquité ; tous ont été amoureux de nos filles. Vous voyez dans la genese les enfants de Dieu, amoureux des filles des hommes, leur faire des géants. La fable a dominé par-tout. Nous ne répéterons point ce qu’on a dit dans ce commentaire sur les démons incubes et succubes ; sur les hommes miraculeux nés de ces copulations chimériques ; sur tous ces diables entrants dans les corps des garçons et des filles en vingt manieres différentes ; sur les moyens de les faire venir et de les chasser ; enfin sur toutes les superstitions dont la fourberie s’est servie dans tous les temps pour tromper l’imbécillité.
  2. c’est la premiere fois qu’un ange est nommé dans l’écriture. Tous les commentateurs avouent que les juifs prirent ces noms chez les chaldéens : Raphaël médecin de Dieu, Uriel feu de Dieu, Jésraël race de Dieu, Michaël semblable à Dieu, Gabriel homme de Dieu. Les anges persans avaient des noms tout différents : Ma, Kur, Débadur, Bahman, etc. Les hébreux, étant esclaves chez les chaldéens et non chez les persans, s’approprierent donc les anges et les diables des chaldéens, et se firent une théurgie toute nouvelle, à laquelle ils n’avaient point pensé encore. Ainsi l’on voit que tout change chez ce peuple, selon qu’il change de maîtres. Quand ils sont asservis aux cananéens, ils prennent leurs dieux ; quand ils sont esclaves chez les rois qu’on appelle assyriens, ils prennent leurs anges.