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délivrerai, toi et cette ville, du roi des assyriens, et je protégerai cette ville à cause de moi et de David mon serviteur. Alors Isaïe dit : qu’on m’apporte une marmelade de figues. On lui apporta la marmelade ; on la mit sur l’ulcere du roi, et il fut guéri… mais ézéchias ayant dit à Isaïe : quel signe aurai-je que le seigneur me guérira, et que j’irai dans trois jours au temple d’Adonaï ? Et Isaïe lui dit : voici le signe du seigneur, comme quoi le seigneur fera la chose qu’il t’a dite, veux-tu que l’ombre du soleil s’avance de dix degrés, ou qu’elle retourne en arriere de dix degrés ? ézéchias lui dit : il est aisé que l’ombre croisse de dix degrés ; ce n’est pas ce que je veux qu’on fasse ; mais que l’ombre retourne en arriere de dix degrés. Le prophete Isaïe invoqua donc Adonaï ; et il fit que l’ombre retourna en arriere de dix degrés, dont elle était déjà descendue dans l’horloge d’Achaz…[1]. Manassé, fils d’ézéchias, avait douze ans

    son changement de volonté dans l’antichambre ? Ces incrédules ne se lassent point de censurer toute cette histoire ; il faut combattre contre eux depuis le premier verset de la bible jusqu’au dernier.

  1. une nuée d’autres incrédules fond sur cette marmelade de figues, et sur cet horloge. Tous ces censeurs disent que le mal d’ézéchias était bien peu de chose, puisqu’on le guérit avec un emplâtre de figues. ézéchias leur paraît un imbécille, de croire qu’il est plus aisé d’avancer l’ombre que de la reculer. Dans l’un et l’autre cas les loix de la nature sont également violées, et tout l’ordre du ciel également interrompu. La rétrogradation de l’ombre ne leur paraît qu’une copie renforcée du miracle de Josué. La plupart des interprêtes croient que le soleil s’arrêta pour Josué, et recula pour ézéchias. Isaïe même, au chapitre trente-deux de sa prophétie, dit, le soleil recula de dix lignes ; ce qui probablement signifie dix heures. Mais il est clair qu’Isaïe se trompe ; l’ombre est toujours opposée au soleil ; si l’astre est à l’orient, l’ombre est à l’occident ; pour que l’ombre reculât de dix heures vers le matin ; il aurait fallu que le soleil se fût avancé de dix heures vers le soir. De plus, si ces degrés, ces heures, signifient le nombre des années qui sont réservées à ézéchias, pourquoi l’ombre du style ne rétrograde-t-elle que de dix degrés, et non pas de quinze ? Le plus long jour de l’année en Palestine n’est que de quatorze heures : c’eût été encore un miracle de plus ; car il est impossible que le soleil paraisse quinze heures et plus, quand il n’est que quatorze heures sur l’horizon. Une autre difficulté encore, c’est que non-seulement les juifs ne comptaient point le jour par heures comme nous ; mais que de plus ils n’eurent ni cadrans, ni horloges. Enfin, il y aurait eu un jour entier de perdu dans la nature, et une nuit de trop. Ce sont-là des embarras où se jettent des ignorants téméraires qui imaginent des miracles, et qui même les expliquent. Telles sont les réflexions de plusieurs physiciens. On peut leur dire que le prophete Isaïe n’était pas obligé d’être astronome, et même que Don Calmet, qui a voulu expliquer dans une dissertation cette rétrogradation, a fait beaucoup plus de bévues qu’Isaïe. On est obligé de dire qu’il n’entend rien du tout à la matiere, et que dans tous ses commentaires il n’a fait souvent que copier des auteurs absurdes, qui n’en savaient pas plus que lui.