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de respect[1] pour la face de Josaphat roi de Juda, je ne t’aurais pas seulement écouté ; et je n’aurais pas daigné te regarder ; mais maintenant qu’on m’amene[2] un harpeur. Et le harpeur vint chanter des chansons sur sa harpe ; et la main d’Adonaï fut sur élisée… les israélites battirent les moabites, qui s’enfuirent… le roi de Moab, ayant vu cela, prit son fils aimé qui devait régner[3] après lui, et il l’offrit en holocauste sur la muraille ; et les israélites, étant épouvantés, s’en retournerent chacun chez soi. Un certain jour élisée passait par le village de Sunam ; et il y avait une grande dame dans ce village qui lui donna du pain… cette femme dit à son mari : je vois que cet homme, qui passe souvent chez nous, est un saint homme de dieu ; fesons-lui faire une petite chambre ; mettons-y un petit lit, une table, une chaise et une lampe. Un jour donc élisée étant venu dans le village de Sunam, il alla loger dans cette chambre ; et il dit à son valet Gihézi : fais-moi venir cette sunamite ; et elle vint. élisée dit à son valet : demande-lui ce qu’elle veut que je fasse pour elle, si elle a quelque affaire, si elle veut que je parle au roi d’Israël Joram, ou au prince de sa milice ; que faut-il que je fasse pour elle ?[4]. Son valet Gihézi lui répondit : est-ce que cela se demande, ne vois-tu pas que son mari est vieux, et qu’elle n’a point d’enfant ?

  1. M Colins et Mylord Bolingbroke disent que cette réponse d’élisée est bien d’un bouvier qui a fait fortune. Mais le jacobin Torquémada dit que c’est la noble fierté d’un prophete, qui daigne s’abaisser à parler à un roi hérétique qu’il aurait pu mettre à l’inquisition.
  2. pourquoi élisée ne peut-il prophétiser sans le secours d’un ménétrier ? Ces insolens anglais le comparent to an old letcher who can not suive if he does not fumble . Nous nous garderons bien de traduire ces paroles infames.
  3. l’action du roi de Moab est d’une autre nature que celle du prophete élisée, qui ne peut prophétiser si on ne joue du violon ou de la harpe : elle prouve que les juifs ne furent pas les seuls de ces cantons qui sacrifierent leurs enfans. Mais devaient-ils s’enfuir parce que leur ennemi, le roi de Moab, fesait une action abominable qu’ils commirent souvent eux-mêmes ? Au contraire ils devaient presser le siege, ils devaient abolir cette horrible coutume, comme les romains défendirent aux carthaginois d’immoler des hommes, et comme César le défendit aux sauvages gaulois.
  4. dès qu’élisée est logé et nourri par une dévote, il oublie qu’il est infiniment au-dessus du roi Joram, auquel il disait tout-à-l’heure, qu’il ne daignait le regarder ni lui parler. Il se dit ici son favori, et demande s’il peut rendre service à sa dévote auprès du roi Joram. qualis ab incessu processerit et sibi constet . Il semble qu’élisée change ici de caractere ; on peut dire qu’il préfere le plaisir de rendre service, au maintien de la dignité de son ministere le plaisir de rendre service. (Id.)