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assassine Joab, et l’enterre ; et je ne serai pas responsable, ni moi, ni la maison de mon pere, du sang innocent répandu par Joab ; que le seigneur donne une paix éternelle à David, à sa semence, à sa maison, et à son trône !… donc le capitaine Banaia, fils de Joiadad, retourna vers Joab, et l’assassina à l’autel ; et il enterra Joab en sa maison dans le désert[1]. Le roi envoya aussi vers Séméi, et lui dit : bâtis-toi une maison dans Jérusalem, et n’en sors point pour aller d’un côté ni d’un autre ; si tu en sors jamais, et si tu passes le torrent de Cédron, je te ferai tuer au même jour. Séméi dit au roi, cet ordre est très juste. Mais au bout de trois ans il arriva que les esclaves de Séméi s’enfuirent vers Akis roi de Geth. Séméi fit aussitôt sangler son âne, et s’en alla vers Akis à Geth pour redemander ses esclaves, et les ramena de Geth… et Salomon, en ayant été averti, commanda à Banaia, fils de Joiadad, d’aller tuer Séméi ; et le capitaine Banaia y alla sur le champ, et il assassina Séméi, qui mourut… cependant le seigneur apparut à Salomon en songe, disant : demande ce que tu veux que je te donne… et Salomon dit au seigneur : je te prie de me donner un cœur docile, afin que je puisse juger ton peuple, et discerner entre le bon et le mauvais ; car qui pourra juger ce peuple, qui est fort nombreux ! … et Dieu lui dit dans ce songe ; parce que tu as demandé cette parole, et que tu n’as pas requis longues années, ni richesses, ni la mort de tes ennemis, mais que tu as demandé

    Salomon commence son regne, il y ajoute un sacrilege. Le capitaine Banaia lui rapporte que Joab implore la miséricorde de Dieu dans le tabernacle, et qu’il embrasse la corne de l’autel. Cet officier n’ose commettre un assassinat dans un lieu si saint. Salomon n’en est point touché ; il ordonne au capitaine de massacrer Joab à l’autel-même. S’il est quelque chose d’étrange après tant d’horreurs, c’est que Dieu, qui a fait périr cinquante mille hommes de la populace, et soixante et dix hommes du peuple, pour avoir regardé son arche, ne venge point ce coffre sacré, sur lequel on égorge le plus grand capitaine des juifs, à qui David devait sa couronne.

  1. à peine Salomon, cruel fils de l’infame Bethsabé, s’est-il signalé par l’assassinat, par le sacrilege et par le fratricide, qu’il tend un piege à ce Séméi conseiller d’état du roi son pere. Il attend que ce pauvre vieillard ait sellé son âne pour aller redemander son bien, et qu’il ait passé le torrent de Cédron, pour le faire tuer sous couleur de justice. Qu’on lise l’histoire de Caligula et de Néron, et qu’on voie si ces monstres ont commencé ainsi leur regne par de tels crimes. On dit que Dieu punit Salomon pour avoir offert de l’encens aux dieux de ses femmes et de ses maîtresses ; et moi j’ose croire, que s’il fut enfin puni, ce fut pour ses assassinats.