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baonites, leur rapporta l’oracle… or les gabaonites n’étaient point des israélites, ils étaient des restes des ammorrhéens, et les israélites avaient autrefois juré la paix avec eux, et Saül voulut les détruire dans son zele, comme pour servir les enfans d’Israël et de Juda… David dit donc aux gabaonites : que ferai-je pour vous ? Comment vous appaiserai-je, afin que vous bénissiez l’héritage du seigneur ?… ils lui répondirent : nous devons détruire la race de celui qui nous opprima injustement, de façon qu’il ne reste pas un seul homme de la race de Saül dans toutes les terres d’Israël[1]. Donnez-nous sept enfans de Saül, afin que nous les fassions pendre au nom du seigneur dans Gabaa ; car Saül était de Gabaa, et il fut l’élu du seigneur… et le roi David leur dit : je vous donnerai les sept enfans… et il prit les deux enfans de Saül et de Respha fille d’Aya, qui s’appellaient Armoni et Miphiboseth, et cinq fils que Michol[2], fille de Saül, avait eus de son mari Adriel… et il mit ces sept enfans entre les mains des gabaonites, qui les pendirent devant le seigneur ; et ils furent pendus tous ensemble au commencement de la moisson des orges[3].

  1. ce passage a fort embarrassé tous les commentateurs. Il n’est dit en aucun endroit de la sainte écriture que Saül eût fait le moindre tort aux gabaonites ; au contraire, il était lui-même un des habitants de Gabaa ; et il est naturel qu’il ait favorisé ses compatriotes, quoiqu’ils ne fussent pas juifs. Quant à la famine qui désola trois ans le pays du temps du melk David, rien ne fut si commun dans ce pays qu’une famine. Les livres saints parlent très souvent de famine ; et quand Abraham vint en Palestine, il y trouva la famine. On ne sort point de surprise lorsque Dieu lui-même dit à David, que cette famine n’est envoyée qu’à cause de Saül, qui était mort si longtemps auparavant, et parce que Saül avait eu de mauvaises intentions contre un peuple qui n’était pas le peuple de Dieu.
  2. M. A.-A. Renouard pense que c’est par erreur que, dans l’hébreu comme dans la Vulgate, on lit ici Michol au lieu de Mérob
  3. le Lord Bolingbroke, Messieurs Fréret et Huet, s’élevent contre cette action avec une force qui fait trembler : ils décident que de tous les crimes de David celui-ci est le plus exécrable. David, dit M Huet, cherche un infame prétexte pour détruire par un supplice infame toute la race de son roi et de son beau-pere ; il fait pendre jusqu’aux enfants que sa propre femme Michol eut d’un autre mari, lorsqu’il la répudia ; il les livre, pour être pendus, entre les mains d’un petit peuple, qui ne devait nullement être à craindre ; puisqu’alors David est supposé être vainqueur de tous ses ennemis. Il y a dans cette action non seulement une barbarie qui ferait horreur aux sauvages, mais une lâcheté dont le plus vil de tous les hommes ne serait pas capable. à cette lâcheté, et à cette fureur, David joint encore le parjure ; car il avait juré à Saül de ne jamais ôter la vie à aucun de ses enfants. Si, pour excuser ce parjure, on dit qu’il ne les pendit pas lui-même ; mais qu’il les donna aux gabaonites pour les pendre, cette excuse