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Siba, intendant de la maison de Miphiboseth petit-fils de Saül, vint au-devant de lui avec deux ânes chargés de deux cents pains, de cent cabas de figues, de cent paquets de raisins secs, et d’une peau de bouc pleine de vin. Le roi lui dit : où est Miphiboseth le fils de votre ancien maître Jonathas ? Siba répondit au roi : Miphiboseth est resté dans Jérusalem, disant : aujourd’hui Israël me rendra le royaume de mon pere. Le roi dit à Siba : eh bien, je te donne tous les biens de Miphiboseth… or le roi David étant venu jusqu’à Bahurim, il sortit un homme de la maison de Saül nommé Séméi, qui le maudit et lui jetta des pierres et à tous ses gens, pendant que tout le peuple et tous les guerriers marchaient à côté du roi à droite et à gauche… et il maudissait le roi en lui disant : va-t’en, homme de sang, va-t’en, homme de Bélial. Cependant Absalon entra dans Jérusalem avec tout le peuple de son parti, et accompagné de son conseiller Achitophel… et Achitophel dit à Absalon : crois-moi, entre dans toutes les concubines de ton pere, qu’il a laissées pour la garde de sa maison, afin que, quand tous les israélites sauront que tu as ainsi déshonoré ton pere, ils en soient plus fortement attachés à toi. Absalon fit donc tendre un tabernacle sur le toit de la maison, et entra dans toutes les concubines de son pere devant tout Israël[1]. Or du temps de David il arriva une famine, qui dura trois ans. David consulta l’oracle du seigneur, et le seigneur dit : c’est à cause de Saül et de sa maison sanguinaire ; parce qu’il tua des gabaonites. Le roi, ayant fait appeller des ga-

  1. les critiques disent que ce n’est pas un moyen bien sûr de s’attacher tout un peuple, que de commettre en public une chose si indécente. Les incrédules refusent de croire qu’Absalon, tout jeune qu’il était, ait pu consommer l’acte avec dix femmes devant tout le peuple ; mais le texte ne dit pas qu’Absalon ait commis ces dix incestes tout de suite : il est naturel qu’il ait mis quelque intervalle à sa lubricité. Les mauvais plaisants sont inépuisables en railleries sur ces prouesses du bel Absalon ; ils disent que depuis Hercule on ne vit jamais un plus beau fait d’armes. Nous ne répéterons pas leurs sarcasmes et leurs prétendus bons mots, qui allarmeraient la pudeur autant que les dix incestes consécutifs d’Absalon. Les sages se contentent de gémir sur les barbaries de David, sur son adultere avec Bethsabé, sur son mariage infame avec elle, sur la lâcheté qu’il montre en fuyant pieds-nuds quand il peut combattre, sur l’inceste de son fils Amnon, sur les dix incestes de son fils Absalon, sur tant d’atrocités et de turpitudes, sur toutes les horribles abominations des regnes du melk Saül et du melk David.