Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome30.djvu/203

Cette page n’a pas encore été corrigée

et ayant combattu il la prit. Il ôta de la tête du roi son diadême, qui pesait un talent d’or, avec des perles précieuses ; et ce diadême fut mis sur la tête de David. Il rapporta aussi un très-grand butin de la ville… et s’étant fait amener tous les habitans, il les scia en deux avec des scies, et fit passer sur eux des chariots de fer ; il découpa des corps avec des couteaux, et les jetta dans des fours à cuire la brique[1]. Immédiatement après, Ammon, fils de David, aima sa sœur appellée Thamar, sœur aussi d’Absalon fils de David ; et il l’aima si fort, qu’il en fut malade ; car comme elle était vierge il était difficile qu’il fît rien de malhonnête avec elle… or Ammon avait un ami fort prudent, qui s’appellait Jonadab, et qui était propre neveu de David. Et Jonadab dit à Amnon : pourquoi maigris-tu, fils de roi ? Que ne m’en dis-tu la cause ? Amnon lui dit ; c’est que j’aime ma sœur Thamar, sœur de mere de mon frere Absalon[2]. Jonadab lui ayant donné conseil… et Thamar étant venue chez son frere Amnon, qui était couché dans son lit… Amnon se

  1. on prétend qu’un talent d’or pesait environ quatre-vingt-dix de nos livres de seize onces ; il n’est gueres possible qu’un homme ait porté un tel diadême ; il aurait accablé Poliphême et Goliath. C’est-là où Calmet pouvait dire encore, que l’auteur sacré se permet quelques exagérations. Le diadême, d’ailleurs, n’était qu’un petit bandeau. Il est à souhaiter que les inconcevables barbaries exercées sur les citoyens de Raba, soient aussi une exagération. Il n’y a point d’exemple, dans l’histoire, d’une cruauté si énorme et si réfléchie. M Huet ne manque pas de la peindre avec les couleurs qu’elle semble mériter. Calmet dit ; qu’il est à présumer que David ne suivit que les loix communes de la guerre ; que l’écriture ne reproche rien sur cela à David, et qu’elle lui rend même le témoignage exprès, que, hors le fait d’Urie, sa conduite a été irréprochable . Cette excuse serait bonne dans l’histoire des tigres et des pantheres. quel homme, s’écrie M Huet, s’il n’a pas le cœur d’un vrai juif, pourra trouver des expressions convenables à une pareille horreur ? est-ce là l’homme selon le cœur de Dieu ? bella, horrida bella ! nous croirions outrager la nature si nous prétendions que Dieu agréa cette action affreuse de David ; nous aimons mieux douter qu’elle ait été commise.
  2. M Huet s’exprime bien violemment sur cet inceste d’Amnon, et sur tous les crimes qui en résulterent. on ne sort, dit-il, d’une horreur, que pour en rencontrer une autre dans cette famille de David . L’histoire profane rapporte des incestes qui ont quelque ressemblance avec celui d’Amnon ; et il n’est pas à présumer que les uns aient été copiés des autres ; car, après tout, de pareilles impudicités n’ont été que trop communes chez toutes les nations. Mais, ce qu’il y a ici d’étrange, c’est qu’Amnon confie sa passion criminelle à son cousin germain Jonadab. Il fallait que la famille de David fût bien dissolue, pour qu’un de ses fils, qui pouvait avoir tant de concubines à son service, voulût absolument jouir de sa propre sœur, et que son cousin germain lui en facilitât les moyens.