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Le Seigneur Dieu avait aussi produit du limon tout arbre beau à voir, et bon à manger.

Et l’arbre de vie au milieu du jardin, et l’arbre de la science du bon et du mauvais[1].

De ce lieu d’Éden un fleuve sortait pour arroser le jardin.

Et de là se divisait en quatre fleuves. L’un a nom Phison : c’est celui qui tourne dans tout le pays d’Évilath, qui produit l’or[2] ; et l’or de cette terre est excellent, et on y trouve le bdellium et l’onyx.

Le second fleuve est le Gébon, qui coule tout autour de l’Éthiopie[3].


    étaient très-fameux ; les jardins des Hespérides en Afrique l’étaient encore davantage. La province de Bengale, à cause de ses beaux arbres et de sa fertilité, s’appelle toujours le jardin par excellence ; et aujourd’hui même encore le Grand Mogol, dans ses édits, nomme toujours le Bengale le Paradis terrestre.

    On trouve aussi un jardin, un paradis terrestre dans l’ancienne religion des Persans ; ce paradis terrestre s’appelait Slhng-dizoucho : il est appelé Iranvigi dans le Sadder, qu’on peut regarder comme un abrégé de la doctrine de cette ancienne partie du monde.

    Les brachmanes avaient un pareil jardin de temps immémorial. Le R. P. dom Calmet, bénédictin de la congrégation de Saint-Vanne et de Saint-Idulphe, dit en propres mots : « Nous ne doutons point que le lieu où fut planté le paradis terrestre ne subsiste encore. » (Note de Voltaire.)

  1. Cet arbre de vie, et cet arbre de la science, ont toujours embarrassé les commentateurs. L’arbre de vie a-t-il quelque rapport avec le breuvage de l’immortalité, qui de temps immémorial eut tant de vogue dans tout l’Orient ? Il est aisé d’imaginer un fruit qui fortifie, et qui donne de la santé : c’est ce qu’on a dit des cocos, des dattes, de l’ananas, du ginseng, des oranges ; mais un arbre qui donne la science du bien et du mal est une chose extraordinaire. On a dit du vin qu’il donnait de l’esprit :

    Fecundi calices quem non fecere disertum ?

    (Hor, lib. I, ep. V.)

    Mais jamais le vin n’a fait un savant : il est difficile de se faire une idée nette de cet arbre de la science ; on est forcé de le regarder comme une allégorie. Le champ de l’allégorie est si vaste que chacun y bâtit à son gré : il faut donc s’en tenir au texte sacré, sans chercher à l’approfondir. (Id.)

  2. Les commentateurs conviennent assez que le Phison est le Phase : c’est un fleuve de la Mingrélie qui a sa source dans une des branches les plus inaccessibles du Caucase. Il y avait sûrement beaucoup d’or dans ce pays, puisque l’auteur sacré le dit. C’est aujourd’hui un canton sauvage, habité par des barbares qui ne vivent que de ce qu’ils volent. À l’égard du bdellium, les uns disent que c’est du baume, les autres, que ce sont des perles. (Id.)
  3. Pour le Géhon, s’il coule en Ethiopie, ce ne peut être que le Nil : et il y a environ dix-huit cents lieues des sources du Nil à celles du Phase. Adam et Eve auraient eu bien de la peine à cultiver un si grand jardin. Les sources du Tigre et de l’Euphrate ne sont qu’à soixante lieues l’une de l’autre, mais dans les parties du globe les plus escarpées et les plus impraticables : tant les choses sont changées !

    Ce Tigre, qui va chez les Assyriens, prouve que l’auteur vivait du temps du