Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome30.djvu/136

Cette page n’a pas encore été corrigée

menti ; vous ne pouvez tenir contre vos ennemis jusqu’à-ce que celui qui s’est souillé de ce crime soit exterminé.

Josué se levant donc de grand matin, fit venir toutes les tribus d’Israël ; et le sort tomba sur la tribu de Juda, puis sur la famille de Zaré… puis sur Acan fils de Charmi, fils de Zabdi, fils de Zaré… et Acan répondit : il est vrai, j’ai péché contre le dieu d’Israël ; et ayant vu parmi les dépouilles un manteau d’écarlate fort bon, deux cents sicles d’argent, et une regle d’or de cinquante sicles, je les pris, et je les cachai dans ma tente… et Josué lui dit : puisque tu nous a troublés, que Dieu te trouble en ce jour. Et tout Israël le lapida ; et tout ce qu’il possedait fut brûlé par le feu[1].

Josué se leva donc, et toute l’armée avec lui, pour marcher contre Haï ; et on choisit trente mille hommes des plus vaillants… Josué brûla la ville, et y fit pendre à une potence le roi qui avait été tué. Puis on jeta son corps à l’entrée de la ville ; et on mit dessus un grand tas de pierres, qui y est encore aujourd’hui [2]

  1. Mr Boulanger s’exprime encore plus violemment, s’il est possible, que le Lord Bolingbroke sur ces morceaux de l’histoire de Josué. " non seulement on nous représente Josué comme un capitaine de voleurs arabes, qui vient tout ravager et tout mettre à sang dans un pays qu’il ne connaît pas ; mais ayant, dit-on, six cents mille hommes de troupes réglées, il trouve le secret d’être battu par deux ou trois cents paysans à l’attaque d’un village. Et pour achever de peindre ce général d’armée, on en fait un sorcier qui devine qu’on a été battu parce qu’un de ses soldats a pris pour lui précédemment une part du butin, et s’est approprié un bon manteau rouge et un bijou d’or. On se sert, pour découvrir le coupable, d’un sortilege dont les petits enfans se moqueraient aujourd’hui : c’est de tirer la vérité aux dés, ou à la courte paille, ou à quelque autre jeu semblable. Acan n’est pas heureux à ce jeu. On le brûle vif, lui, ses fils, ses filles, ses bœufs, ses ânes, ses brebis ; et on brûle encore le manteau d’écarlate, et le bijou d’or que l’on cherchait. Si Cartouche (continue M Boulanger) avait fait un pareil tour, Madame Oudot l’aurait imprimé dans la bibliotheque bleue. Nos histoires de voleurs et de sorciers n’ont rien de semblable. " ce discours blasphématoire, ces dérisions de M Boulanger, pourraient faire quelque impression s’il s’agissait d’une histoire ordinaire arrivée et écrite de nos jours ; mais ne peuvent rien contre un livre sacré miraculeusement écrit, et miraculeusement conservé pendant tant de siecles. Dieu était le maître d’exterminer les cananéens, qui étaient de grands pécheurs. Il n’appartenait qu’à lui de choisir la maniere du châtiment. Il voulut que tout le butin fût également partagé entre les enfans d’Israël exécuteurs de ses vengeances. Il se servit toujours de la voie du sort dans l’ancien et le nouveau testament, parce qu’il est le maître du sort. La place de Judas même, de ce Judas qui fut cause de la mort de notre seigneur, a été tirée au sort. Voilà pourquoi st Augustin a toujours distingué la cité de Dieu de la cité mondaine. Dans la cité mondaine tout est conforme à notre faible raison, à nos faux préjugés. Dans la cité de Dieu tout est contraire à nos préjugés et à notre raison.
  2. ces mots, ce grand tas de pierres qui y est encore aujourd’hui, semblent