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par la bouche du glaive… après cela ils brulerent la ville et tout ce qui était dedans… or Josué sauva Rahab la prostituée, et la maison de son pere avec tout ce qu’il avait ; et ils ont habité au milieu d’Israël jusqu’à aujourd’hui[1].

Alors Josué dit : maudit soit devant le seigneur celui qui relevera et rebâtira Jérico.[2]

… or les enfans d’Israël prévariquerent contre l’anathême, et ils prirent du réservé par l’anathême ; car Acan fils de Charmi déroba quelque chose de l’anathême ; et Dieu fut en colere contre les enfans d’Israël. Et comme Josué envoya de Jérico contre Haï près de Bethel, il dit : il suffit qu’on envoie deux ou trois mille hommes contre Haï. Trois mille guerriers allerent donc ; mais ils s’enfuirent et ils furent poursuivis par les hommes de Haï, qui les tuerent comme ils fuyaient ; et les juifs furent saisis de crainte, et leur cœur se fondit comme de l’eau. Et Dieu dit à Josué : Israël a péché, il a prévariqué contre mon pacte, ils ont dérobé de l’anathême, ils ont volé, et ils ont

  1. c’est avec douleur que nous rapportons sur cet événement les réflexions du Lord Bolingbroke, lesquelles Mr Mallet fit imprimer après la mort de ce lord. " est-il possible que Dieu, le pere de tous les hommes, ait conduit lui-même un barbare à qui le cannibale le plus féroce ne voudrait pas ressembler ! Grand dieu ! Venir d’un désert inconnu pour massacrer toute une ville inconnue ! égorger les femmes et les enfans contre toutes les loix de la nature ! égorger tous les animaux ! Brûler les maisons et les meubles contre toutes les loix du bon sens, dans le temps qu’on n’a ni maisons ni meubles ! Ne pardonner qu’à une vile putain digne du dernier supplice ! Si ce conte n’était pas le plus absurde de tous, il serait le plus abominable. Il n’y a qu’un voleur ivre qui puisse l’avoir écrit, et un imbécille ivre qui puisse le croire. C’est offenser Dieu et les hommes, que de réfuter sérieusement ce misérable tissu de fables, dans lesquelles il n’y a pas un mot qui ne soit ou le comble du ridicule, ou celui de l’horreur. " mylord était bien échauffé quand il écrivit ce morceau violent. On doit plus de respect à un livre sacré. Il ajoute que ces mots, jusqu’aujourd’hui, montrent que ce livre n’est pas de Josué. Mais quel que soit son auteur, il est dans le canon des juifs ; il est adopté par toutes les églises chrétiennes. Nous savons bien que les rigueurs de Josué révoltent la faiblesse humaine ; qu’il serait affreux de les imiter, soit que les habitations qu’il détruisit, et qui nagerent dans le sang, fussent des villes ou des villages. Nous ne nions pas que si un peuple étranger venait nous traiter ainsi, cela ne parût exécrable à toute l’Europe. Mais n’est-ce pas précisément la maniere dont on en usa envers les américains au commencement de notre seizieme siecle ? Josué fut-il plus cruel que les dévastateurs du Mexique et du Pérou ? Et si l’histoire des barbaries européanes est vraie, pourquoi celle des cruautés de Josué ne le serait-elle pas ? Tout ce qu’on peut dire, c’est que Dieu commanda et opéra lui-même la ruine du Canaan ; et qu’il n’ordonna pas la ruine de l’Amérique.
  2. la sentence contre Jérico ne fut pas exécutée. Jérico existait sous David et du temps des romains, et existe encore tel qu’il fut toujours, c’est-à-dire, un petit hameau à six lieues de Jérusalem.