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Or Josué, étant dans un champ de Jérico, vit un homme debout devant lui tenant à la main une épée nue. Il lui dit : es-tu des nôtres, ou un ennemi ? Lequel répondit : non ; mais je suis le prince de l’armée du seigneur, et j’arrive. Et Josué tomba prosterné en terre, et l’adorant il dit : que veut mon seigneur de son serviteur ? ôtes tes souliers de tes pieds, dit-il, parce que le lieu où tu es est saint ; et Josué ôta ses souliers[1].

Le seigneur dit à Josué : je t’ai donné Jérico et son roi, et tous les hommes forts. Que toute l’armée hébraïque fasse le tour de la ville pendant six jours. Qu’au septieme jour les prêtres prennent sept cornets ; qu’ils marchent devant l’arche du pacte sept fois autour de la ville, et que les prêtres sonnent du cornet. Et lorsque les cornets sonneront le son le plus long et le plus court, que tout le peuple jette un grand cri ; et alors les murs de la ville tomberont jusqu’aux fondements[2].

… Et pendant que les prêtres sonnaient du cornet au septieme jour, Josué dit à tout Israël : criez, car le seigneur vous a donné la ville. Que cette ville soit dévouée en anathême. Ne sauvez que la prostituée Rahab avec tous ceux qui seront dans sa maison ; que tout ce qui sera d’or, d’argent, d’airain et de fer, soit consacré au seigneur, et mis dans ses trésors… ils prirent ainsi la ville, et ils tuerent tout ce qui était en Jérico, hommes, femmes, enfans, vieillards, bœufs, brebis et ânes ; ils les frapperent

  1. les critiques demandent, pourquoi ce prince de la milice céleste ? à quoi bon cette apparition, lorsque Dieu était continuellement avec Josué comme avec Mosé ? Cette apparition leur paraît inutile. Mais apparemment ce prince de la milice céleste était Dieu-même, qui voulait donner des marques évidentes de sa protection sous une autre forme. L’ordre d’ôter ses souliers est conforme à l’ordre de Dieu quand il apparut à Mosé dans le buisson ardent. Ce fut toujours une grande irrévérence de paraître devant Dieu avec des souliers.
  2. plus d’un savant persiste à croire qu’il n’y avait aucune ville fermée de murailles dans ces quartiers. Ils se fondent sur ce que Jérusalem elle-même, qui devint dans la suite la capitale des juifs, n’était pas une ville. Ils prétendent que les villes étaient vers la mer, comme Tyr, Sidon, Berite, Biblos, villes très-anciennes. Calmet compte pour des villes les deux méchants villages de Bethoron, parce que st Jérome en parle. Calmet ne songe pas qu’un village pouvait être devenu une ville au bout de deux mille ans. Il n’y avait pas une seule ville murée du temps de Charlemagne au-delà du Rhin. Jérico pouvait n’être qu’un bourg entouré de palissades ; et cela suffit pour le miracle. Il est raconté dans une chronique samaritaine, que Josué étant attaqué par quarante-cinq rois d’orient, et se trouvant enfermé entre sept murailles de fer par une magicienne mere d’un de ces rois, il fut délivré par Phinée fils d’Aaron, qui sonna sept fois de son cornet. On a fort agité la question si le récit de Josué était antérieur au récit samaritain. L’un et l’autre sont merveilleux ; mais il faut donner la préférence au livre de Josué.