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Il lui fit dire : voilà un peuple sorti de l’égypte, qui couvre toute la face de la terre, et qui s’est campé vis-à-vis de moi ; viens donc pour maudire ce peuple, parce qu’il est plus fort que moi ; car je sais que ce que tu béniras sera béni, et que celui que tu maudiras sera maudit. Les anciens de Moab et ceux de Madian s’en allerent donc, portant dans leurs mains dequoi payer le prophete… Dieu dit à Balaam : garde-toi bien d’aller avec eux et de maudire ce peuple ; car il est béni. Balaam leur répondit donc : quand Balac me donnerait sa maison pleine d’or et d’argent, je ne pourrais dire ni plus ni moins que ce que le seigneur m’a ordonné… Dieu étant venu encore à Balaam, lui dit : si ces hommes sont venus encore à toi, marche et va avec eux, à condition que tu m’obéiras. Balaam, s’étant levé au matin, sella son ânesse, et se mit en chemin avec eux [1] Mais Dieu entra en colere contre lui, et l’ange du.

    déja remarqué* Page 86, note. qu’il y a plus de trois cents mille de l’Euphrate à l’endroit où étaient alors les hébreux ; cela forme une nouvelle difficulté. Comment le petit roitelet Balac, le petit chef d’une horde d’arabes, poursuivi par douze cents mille hommes, pouvait-il, pour tout secours, envoyer chercher un prophete en Chaldée, à cent cinquante lieues de chez lui ? Les critiques demandent encore, de quel droit, et par quelle fureur, douze cents mille étrangers venaient ravager et mettre à feu et à sang un petit pays qu’ils ne connaissaient pas. Si on répond que ces douze cents mille étaient les enfans de Jacob et d’Abraham, les critiques repliquent qu’Abraham n’avait jamais possédé qu’un champ, et que ce champ était en Hébron de l’autre côté du Jourdain, et que les moabites et les ammonites, descendans, selon l’écriture, de Loth neveu d’Abraham, n’avaient rien à démêler avec les juifs. Ou ils les connaissaient, ou ils ne les connaissaient pas. Si les juifs les connaissaient, ils venaient détruire leurs parents. S’ils ne les connaissaient pas, quelle raison avaient-ils de les attaquer ?

  1. les interpretes ne sont pas d’accord entr’eux sur ce prophete Balaam : les uns veulent que ce fût un idolâtre de la Chaldée ; les autres prétendent qu’il étoit de la religion des hébreux. Le texte favorise puissamment cette derniere opinion ; puisque Balaam, en parlant du dieu des juifs, dit toujours, le seigneur mon dieu, et qu’il ne prophétise rien que Dieu n’ait mis dans sa bouche. Il est étonnant, à la vérité, qu’il y eût un prophete de Dieu chez les chaldéens. Abraham, né de parens idolâtres en Chaldée, fut le plus grand serviteur de Dieu. Il est dit que Dieu lui-même vint parler à Balaam pendant la nuit, et lui ordonna d’aller avec les députés du roi Balac. Cependant Dieu se met en colere contre lui sur le chemin ; et l’ange du seigneur tire son épée contre l’ânesse, qui portait le prophête. Le texte ne dit pas pourquoi Dieu était en colere, et pourquoi l’ange vint à l’ânesse l’épée nue ; ce n’est pas un des endroits de l’écriture sainte les plus aisés à expliquer. Balaam semble ne frapper son ânesse, que parce qu’elle se détourne du chemin qu’il prenait pour obéir au seigneur. Ce qui passe pour le plus merveilleux, c’est le colloque du prophete, et de l’ânesse. Mais il est certain que dans ces temps-là c’était une opinion généralement