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Le roi d’Arad, prince cananéen qui habitait vers le midi ayant appris qu’Israël était venu pour reconnaître son pays, vint le combattre, en fut vainqueur, et en emporta les dépouilles. Mais Israël s’obligea par un vœu au seigneur : si tu me livres ce peuple je détruirai ses villes. Et Dieu exauça le vœu d’Israël, et lui livra le roi cananéen, qu’ils firent mourir ; et ils nommerent ce lieu Horma, c’est-à-dire, Anathéme. Ensuite ils partirent de la montagne de Hor par le chemin qui mene à la mer Rouge [1]. Et le peuple commença à s’ennuyer du chemin et de la fatigue ; et il parla contre Dieu et Mosé. Il dit : pourquoi nous as-tu tirés d’égypte, pour nous faire mourir dans ce désert, où nous n’avons ni pain ni eau ? La manne, cette vile nourriture, nous fait soulever le cœur. C’est pourquoi le seigneur envoya des serpents ardents ; plusieurs en furent blessés et en moururent. Le peuple vint à Mosé ; ils dirent : nous avons péché, prie Dieu qu’il nous délivre de ces serpents. Mosé pria pour le peuple. Le seigneur dit à Mosé : fais un serpent d’airain pour servir de signe ; et ceux qui auront été mordus le regarderont, et ils vivront [2]

  1. les copistes ont fait encore ici une très-grande faute ; car on ne peut en soupçonner l’auteur sacré : c’est de prendre toujours le nord pour le midi. Arad est précisément à l’extrémité orientale où les hébreux parvinrent selon le texte en partant du désert de Sin. Ils sont battus vers Adar, ou Arada, qui est dans le désert de Bersabé ; ils battent ensuite ce petit chef, qu’on appelle roi d’un peuple cananéen ; voilà le pays que Dieu leur a promis. Mais, loin d’en jouïr, ils détruisent ses villes et s’en retournent au midi vers la mer Rouge. Cela est incompréhensible. Le peuple de Dieu devait être plus nombreux au bout de trente-huit ans que lorsqu’il partit d’égypte ; la bénédiction du seigneur était dans le grand nombre des enfants ; et si chaque femme a eu seulement deux mâles, il devait y avoir douze cents mille combattants, sans compter les vieillards qui pouvaient être encore en vie. Il est vrai que le seigneur en avait fait tuer vingt-trois mille pour le veau d’or, comme depuis vingt-quatre mille pour une madianite, et quatorze mille pour la querelle de Coré, de Dathan, et d’Abiran avec Mosé, mais certainement il en restait assez pour conquérir le petit pays de Canaan, et surtout pour l’affamer. Il n’est pas naturel qu’il s’enfuie alors vers la mer Rouge : nous ne pouvons expliquer cette étrange marche ; nous nous en rapportons au texte, sans pouvoir en applanir les difficultés ; nous ne répondrons rien aux guerriers, qui disent hardiment que cette marche de Mosé est d’un imbécille ; nous répondrons encore moins aux incrédules, qui ne regardent ce livre que comme un amas de contes sans raison, sans ordre, sans vraisemblance : il faudrait des volumes pour résoudre toutes leurs objections ; quelques-uns l’ont tenté, personne n’a pu y réussir. Le saint esprit, qui a seul dicté ce livre, peut seul le défendre.
  2. les égyptiens avaient dans leur temple de Memphis un serpent d’argent qui se mordait la queue, et qui était selon les prêtres d’égypte un symbole de l’éternité. On voit encore des figures de ce serpent sur quelques monuments qui