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ACTE TROISIÈME




Scène I.



ARISTON, CLITANDRE.


ARISTON.

Ma disgrâce est complète autant qu’elle fut prompte.
Tout mon cœur est flétri de douleur et de honte ;
Et je rougis surtout que ma crédulité
Vous ait de cet emploi si faussement flatté.
Je n’avais accepté cette charge honorable
Que pour en revêtir un ami véritable.
Hélas ! de mon crédit j’étais trop prévenu.
A cet honneur trop haut malgré moi parvenu,
Soudain on me l’arrache, on m’outrage, et j’ignore
Quel est l’heureux mortel que le prince en honore.
Ami, ce n’est pas moi, c’est vous qu’on a perdu.

CLITANDRE.

Je reconnais en tout votre aimable vertu ;
Ariston, vous savez qu’à vous seul attachée.
Des honneurs et du bien mon àme est peu touchée.
Rien ne m’afflige ici que votre seul chagrin.

ARISTON.

De ce coup imprévu quelle est la cause ? En vain
Je veux la pénétrer ; je m’y perds quand j’y pense.

CLITANDRE.

Ne vous rebutez point. Voyez Cléon, Hortense.
Songez qu’en s’expliquant on réussit bien mieux.
Croyez qu’un honnête homme a toujours dans les yeux
Un secret ascendant dont le pouvoir impose ;
Un air de vérité sur ses lèvres repose ;
Son cœur est sur sa bouche, et jusque dans son ton
Il a je ne sais quoi que n’a point un fripon.