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Ce petit accident vous fera grand honneur.
De vos moindres billets la grâce naturelle
Du style épistolairc est un channant modèle.
Les femmes, j’en conviens, entendent mieux que nous
Cet art si délicat, si naïf el si doux.
Leur cœur aAcc esprit sait peindre leurs pensées,
Des mains do la nature ingénument tracées ;
Les hommes ont toujours trop d’art dans leurs écrits,
J’aime mieux Sévigné que trente beaux-esprits.

HORTENSE.


De ce flatteur encens je ne suis point la dupe.
Quelques lettres sans fard, où mon esprit s’occupe,
Sont pour Ariston seul, et non pour d’autres yeux.
Je hais un vain éclat, je crains les curieux.
Oui, de quelque haut rang que l’on soit décorée,
La plus heureuse femme est la plus ignorée.
Je sais bien que ma main jamais n’a pu tracer
Un billet dont personne eût lieu de s’oifenser.
Et que jamais mon cœur ne conçut de pensée
Dont ma gloire un instant dût se sentir blessée ;
Mais je sais trop aussi que le public malin
Sur les femmes se plaît à jeter son venin.
Quoi qu’il en soit, monsieur, d’une telle imprudence,
J’en vois avec douleur toute la conséquence ;
Et surtout je ressens un très-juste courroux
De voir qu’un jeune fat, aux yeux de mon époux,
Sans égard au bon sens, s’en vienne à ma toilette
De ce bruit dangereux débiter la gazette.
Auprès de nous admis par les soins d’Ariston,
Vous démêlez assez l’air de notre maison ;
Vous connaissez Cléon, et sa délicatesse ;
Votre air mystérieux le surprend et le blesse.
Il fallait lui parler. Je n’en dirai pas plus ;
Vous aimez Ariston : réglez-vous là-dessus.
Quelquefois un seul mot, dit par un homme sage,
Porte avec soi la paix, et détourne l’orage.
L’oncle réparera la faute du neveu :
Il le peut, il le doit, j’ose y compter ; adieu.

(Elle sort.)


LAURE., à Zoilin.


En grondant le neveu, songez bien, je vous prie,
Que sans perdre de temps il faut qu’il se marie.