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498 LENl’AiXT PRODIGUE.

LISE.

Mais répondez, Eiipliéinon, puis-jo croire Que vous avez gagné celte victoire ? Consultez-vous, ne trompez point mes vœux ; Seriez-vous bien et sage et vertueux ?

EUPHÉMON FILS.

Oui, je le suis, car mon cœur vous adore.

LISE.

Vaus, Eupliémou ! vous m’aimeriez encore ?

EUPHÉMON FILS,

Si je vous aime ? hélas ! je n’ai vécu Que par l’amour, qui seul m"a soutenu. J’aijtput souffert, tout jusqu’à l’infamie ; ÎVIa main cent fois allait traiiclier ma vie ; Je respectai les maux qui m’accablaient ; •I^imai mes jours, ils vous appartenaient. Oui, je vous dois mes sentiments, mon être, Ces jours nouveaux qui me luiront peut-être ; De ma raison je vous dois le retour. Si j’en conserve avec autant d’amour. Ne cachez point à mes yeux pleins de larmes Ce front serein, brillant de nouveaux charmes Regardez-moi, tout changé que je suis ; Voyez l’effet de mes cruels ennuis. De longs remords, une horrible tristesse, Sur mon visage ont flétri la jeunesse. Je fus peut-être autrefois moins affreux ; Mais voyez-moi, c’est tout ce que je veux.

LISE.

Si je vous vois constant et raisonnable, C’en est assez, je vous vois trop aimable.

EUPHÉMON FILS.

Que dites-vous ? juste ciel ! vous pleurez ?

LISE, à Marthe.

Ah ! soutiens-moi, mes sens sont égarés. Moi, je serais l’épouse de son frère !… i\’avez-vous point vu déjà votre père ?

EUPHÉMON FILS.

Mon front rongit, il ne s’est point montré A ce vieillard que j’ai déshonoré : Haï de lui, proscrit, sans espérance, J’ose l’aimer, mais je fuis sa présence.