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476 L’ENFANT PRODIGUE.

Sensible et tendre en sa rnsticité, N’a point ponr moi perdu l’humanité ; \ Né mon égal (|)uis(ju’enfin il est homme), Il me soutient sous le poids qui m’assomme, Il suit gahnent mon sort infortuné ; Et mes amis m’ont tons abandonné,

JASMIN.

Toi, dos amis ! hélas ! mon pauvre maître, A[)l)n’uds-m()i donc, de grâce, à les connaître ; Comment sont laits les gens qu’on nomme amis !

ELPHÉMON FILS.

Tu les as vus chez moi toujours admis, M’importunant souvent de leurs visites, A mes soupers délicats parasites, Vantant mes goûts d’un esprit complaisant, Et sur le tout empruntant mon argent ; De leur bon cœur m’étourdissant la tête. Et me louant moi présent.

JASMIN.

Pauvre bête ! Pauvre innocent ! tu ne les voyais pas Te chansonner au sortir d’un repas ; Siffler, berner ta bénigne imprudence ?

ELIl’HÉMON FILS.

Ah ! je le crois ; car, dans ma décadence. Lorsqu’à Bordeaux je me vis arrêté. Aucun de ceux à qui j’ai tout prêté Ne me vint voir ; nul ne m’offrit sa bourse : Puis au sortir, malade et sans ressource, Lorsqu’à l’un d’eux, que j’avais tant aimé. J’allai m’offrir mourant, inanimé. Sous ces haillons, dépouilles délabrées. De l’indigence exécrables livrées ; Quand je lui vins demander un secours D’où dépendaient mes misérables jours, Il détourna son œil confus et traître. Puis il feignit de ne me pas connaître, Et me chassa comme un pauvre imi)ortun.

JASMIN.

Aucun n’osa te consoler ?

EUPHÉMON FILS.

Aucun.