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350 LA MORT DE CÉSAR.

Enfin depuis Sylla nos antiques vertus,

Les lois, Rome, rÉtat, sont des noms superllus.

Dans nos temps corrompus, pleins de guerres civiles.

Tu i)arles comme au temps des Dèces, des Émiles.

Caton fa trop séduit, mon cher fils ; je prévoi •

Que ta triste vertu perdra fÉtat et toi.

Fais céder, si tu peux, ta raison détrompée

Au vainqueur de Caton, au vainqueur de Pompée,

A ton père qui faime, et qui plaint ton erreur.

Sois mon iils en efTet, Urutus ; rends-moi ton cœur ;

Prends d’autres sentiments, ma bonté fen conjure ;

Ne force point ton âme à vaincre la natui’e.

Tu ne me réponds rien ? tu détournes les yeux ?

BRUTUS.

Je ne te connais plus. Tonnez sur moi, grands dieux ! César…

CÉSAR,

Quoi ! tu f émeus ? ton âme est amollie ? Ah ! mon fils…

BRUTUS.

Sais-tu Lien qu’il y va de ta vie ! Sais-tu que le sénat n’a point de vrai Romain Qui n’aspire en secret à te percer le sein ? Que le salut de Rome, et que le tien te touche : Ton génie alarmé te parle par ma bouche ; Il me pousse, il me presse, il me jette à tes pieds.

(Il se jette à ses genoux.)

César, au nom des dieux, dans ton cœur oubliés ; Au nom de tes vertus, de Rome, et de toi-même, Dirai-je au nom d’un fils qui frémit et qui faime. Qui te préfère au monde, et Rome seule à toi ? Ae me rebute pas !

CÉSAR.

Malheureux, laisse-moi. Que me veux-tu ?

BRUTUS.

Crois-moi, ne sois point insensible.

CÉSAR,

L’univers peut changer ; mon âme est inflexible.

BRUTUS.

Voilà donc ta réponse ?