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ACTE II, SCËXE lY. 335

Mais, parmi tant d’éclat, son orgueil imprudent Voulait un autre titre, et n’était pas content. Enfin, parmi ces cris et ces chants d’allégresse, Du peuple qui l’entoure Antoine l’end la presse : il entre : ù honte ! ô crime indigne d’un Romain ! Il entre, la couronne et le sceptre à la main. On se tail, on frémit ; lui, sans que rien l’étonné. Sur le front de César attache la couronne, Et soudain, devant lui se mettant à genoux : « César, règne, dit-il, sur la terre et sur nous. » Des Romains, à ces mots, les visages pâlissent ; De leurs cris douloureux les voûtes retentissent ; J’ai vu des citoyens s’enfuir avec horreur. D’autres rougir de honte et pleurer de douleur. César, qui cependant lisait sur leur visage De l’indigualion l’éclafant témoignage. Feignant des sentiments longtemps étudiés, Jette et sceptre et couronne, et les foule à ses pieds. Alors tout se croit lihre, alors tout est en proie Au fol enivrement d’une indiscrète joie, Antoine est alarmé ; César feint et rougit ; Plus il cèle son trouble, et plus on l’applaudit ; La modération sert de voile à son crime ; Il affecte à regret un refus magnanime. Mais, malgré ses efforts, il frémissait tout has Qu’on applaudît en lui les vertus qu’il n’a pas*. Enfin, ne pouvant plus retenir sa colère, Il sort du Capitole avec un front sévère ;

1. Cornclio, dans la Mort de Pompée, dit, en parlant de la douleur que César montrait du malhour de son ennemi :

Une maligne joie en son cœur s’élevait. Dont sa gloire indignée à peine le sauvait.

Dans Mérope, acte IV, scène i, Voltaire a dit :

La pitié paraissait adoucir ses fureurs ;

La joie éclatait même à travers ses douleurs.

Dans Oreste, acte II, scène vu :

J’ai cru voir, et j’ai vu dans ses yeux interdits Le barbare plaisir d’avoir perdu son fils.

Dans Ronte sauvée, acte V, scène ii :

Dans le péril horrible où Rome était en proie, Son front laissait briller une secrète joie.