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(Au bailli.) Ordonnez du supplice de ceux qui m’ont abusé. Oh ! que je suis un malheureux baron !

GOTTON.

À qui suis-je donc, moi ?

LE COMTE, en liberté.

Me voici un peu plus libre. Qu’on me donne de la poudre de senteur, car je pue furieusement l’écurie. Holà ! hé ! un pouf, un pouf.

LE BARON.

Monsieur le bailli, vous n’y perdrez rien. (En montrant le chevalier.) Voilà toujours un criminel à expédier. Il a pris le nom d’un autre pour épouser ma fille.

LE BAILLI.

C’est monsieur le chevalier de Fatenville : c’est aussi le fils de mon parrain : je n’instrumenterai pas contre monsieur le chevalier.

LE COMTE.

Écoutez, vieux fou de baron, écoutez : j’ai soixante mille livres de rente ; le chevalier est mon cadet, qui n’a pas le sou, et qui voulait faire fortune en me jouant un tour ; il sera assez puni quand il me verra épouser à sa barbe mademoiselle Gotton-Jacqueline-Henriette de la Canardière, et emporter la dot.

GOTTON.

Ça ne me fait rien ; j’épouserai tous ceux que papa voudra, pourvu que j’aille à Paris, et que je sois grande dame.

LE BARON.

Hélas ! monsieur le comte, je suis le plus malheureux de tous les hommes : le contrat est signé ; M. Trigaudin a tant pressé la chose, et même Gotton a…

GOTTON.

Tout ça ne fait rien, papa : j’épouserai encore monsieur le comte ; vous n’avez qu’à dire.

LE CHEVALIER.

Mademoiselle, je vous supplie de vous souvenir de ce que…

GOTTON.

J’ai tout oublié ; vous êtes un cadet qui n’avez rien, et je serai grande dame avec monsieur le comte.

LE COMTE.

Mais quoi, beau-père, le contrat serait signé ?

LE CHEVALIER.

Oui, mon frère, et mademoiselle Gotton-Jacqueline-Henriette de la Canardière a l’honneur d’être votre belle-sœur. (Au baron.) Il est vrai, monsieur le baron, que je ne suis pas riche ; mais je vous