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Scène IV.

LE COMTE, LE CHEVALIER.
LE COMTE.

Regarde-moi un peu en face, Chonchon.

LE CHEVALIER.

Vous m’avez traité indignement, je vous ai fait du mal : il n’y a plus moyen de se regarder. Que me voulez-vous ?

LE COMTE.

Je vois où tout ceci peut aller, et le tour que tu m’as joué avec ce fripon de Trigaudin. Tu me demandais ce matin dix mille francs pour le reste de ta légitime ; je t’en donne vingt, et laisse-moi épouser Mlle de la Canardière.

LE CHEVALIER.

Vous m’avez appris à entendre mes intérêts ; il n’y a pas d’apparence que je vous cède une fille de cinq cent mille francs pour vingt mille livres ; la chose est sans remède.

LE COMTE.

L’aurais-tu déjà épousée ? Il faudrait que tu eusses l’âme bien noire,

LE CHEVALIER.

J’ai en, il est vrai, quelque scrupule en épousant Mlle Gotton, et vous n’en avez point eu en me laissant mourir de faim. (En ricanant.) Je n’obtiens avec la fille du baron que cinq cent mille francs : tout ce que je puis faire pour votre service, c’est de partager le différend par la moitié.

LE COMTE.

C’est un accommodement.

LE CHEVALIER.

Je prendrai la dot, et je vous laisserai la fille.

LE COMTE.

Tu fais le plaisant ; on voit bien que ta fortune est faite.