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Ponsos-tii quo raniour, mon tyran, mon vainqueur,
De la gloire en mon âme ait étouiïé l’ardeur ?
Si ringrate me hait, je veux qu’elle m’admire :
Elle a sur moi sans doute un souverain empire,
Et n’en a point assez pour ilétrir ma vertu.
Ah : trop sévère ami, que me reproches-tu ?
Non, ne me juge point avec tant d’injustice.
Est-il quelque Français que l’amour avilisse ?
Amants aimés, heureux, ils vont tous aux combats,
Et du sein du bonheur ils volent au trépas.
Je mourrai digne au moins de l’ingrate que j’aime.

COUCY.

Que mon prince plutôt soit digne de Ini-même.
Le salut de l’Étal m’occupait en ce jour ;
Je vous parle du vôtre, et vous parlez d’amour.
Le Bourguignon, l’Anglais, dans leur triste alliance.
Ont creusé par nos mains les tombeaux de la France.
Aotre sort est douteux. Vos jours sont prodigués
Pour nos vrais ennemis, qui nous ont sul)jugués.
Songez qu’il a fallu trois cents ans de constance
Pour frapper par degrés cette vaste puissance.
Le dauphin vous offrait une honorable paix…

LE DUC.

Non, de ses favoris je ne l’aurai jamais.
Ami, je hais l’Anglais ; mais je hais davantage
Ces lâches conseillers dont la faveur m’outrage,
Ce fils de Charles Six, cette odieuse cour :
Ces maîtres insolents m’ont aigri sans retour ;
De leurs sanglants affronts mon âme est trop frappéé.
Contre Charle, en un mot, quand j’ai tiré l’épée.
Ce n’est pas, cher Coucy, pour la mettre à ses pieds,
Pour baisser dans sa cour nos fronts humiliés.
Pour servir lâchement un ministre arbitraire.

COUCY.

Non, c’est pour obtenir une paix nécessaire. Eh ! quel autre intérêt pourriez-vous écouter ?

LE DUC.

L’intérêt d’un courroux que rien ne peut dompter.

1. Ces vers ne sont pas dans Adélaïde. Voltaire semble faire allusion ici aux avanies qui l’avaient forcé à quitter la cour de Louis XV et la France en 1750. (G. A.)