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trues, et si elle ouvre la fontaine sanglante, qu’ils soient tous deux tués, exterminés[1]. »

Permettez-moi, messieurs, de vous représenter que votre sentence est bien dure. La faculté de médecine de Paris et celle de Londres vous prieront de la réformer ; franchement il n’y a pas là de quoi pendre un père et une mère de famille. On a eu raison de dire que votre loi est la loi de rigueur, et la nôtre la loi de grâce.

XVI. — Du divorce et du paradis.

Chez vous, il fut permis de donner une lettre de divorce à sa femme quand on était las d’elle ; et la femme n’avait pas le même droit. Vous reprochez à mon ami d’avoir dit que « c’est la loi du plus fort, et la nature pure et barbare[2] ».

Ces paroles ne sont dans aucun de ses ouvrages. Vous vous trompez toujours quand vous l’accusez ; il n’a rien dit de cela, encore une fois ; reprochez-lui de ne l’avoir pas dit. Les Turcs sont plus équitables que vous : ils permettent aux dames de demander le divorce.

Vous n’avez assez bonne opinion ni des chrétiens ni des musulmans : vous vous imaginez que Mahomet a fermé l’entrée du paradis aux dames ; on vous a trompés, messieurs, sur Mahomet comme sur mon ami. Il est dit dans la Sonna qu’une douairière, ayant commis quelques péchés mortels, vint demander au pro-

  1. Cette horreur superstitieuse pour les femmes, durant cette époque, est presque générale chez les nations sauvages (voyez le Voyage de Carver, et l’Histoire générale des voyages) ; elle tient vraisemblablement à l’horrible malpropreté des femmes parmi ces peuples. Il est très-douteux cependant que la recette de Fernel soit réelle : on ferait un volume de tout ce qu’on a imaginé d’absurdités sur cet objet, depuis les systèmes des médecins sur la cause des menstrues, jusqu’à leur usage dans les préparations magiques, et à l’opinion qu’il en peut résulter une souillure morale. Mais la loi qui condamne à mort la femme et le mari n’appartient qu’aux Juifs ; les sauvages d’aucune autre partie du monde n’ont porté à ce point leur férocité superstitieuse. Nous invitons le secrétaire des juifs à nous apprendre comment on s’y prenait pour constater le délit. Nous savons combien toutes les preuves des fautes contre les mœurs sont indécentes, incertaines, souvent aussi contraires à l’humanité qu’à la bienséance ; combien surtout elles exposent à condamner des innocents ; mais, dans le délit juif, il y a quelques difficultés de plus : nous voudrions bien que monsieur le secrétaire nous enseignât à les lever ; il serait bon aussi qu’il nous expliquât comment une dame juive, amoureuse d’un velu, s’y prenait pour lui parler de sa passion. Pourquoi se refuserait-il au devoir d’instruire et d’édifier ses frères en approfondissant ces matières si importantes pour le bonheur de l’univers et la conservation du bon goût ? (K.)
  2. Guenée attribue ces derniers mots à Voltaire, mais sans indiquer l’ouvrage où ils sont. (B.)