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maison de quiconque leur déplaisait, et la faire démolir pour préserver le reste.

Quant à vos grand’mères, je crois nos Parisiennes tout aussi propres qu’elles pour le moins.

Vous triomphez de ce qu’il vous était enjoint de n’aller jamais à la garde-robe que hors du camp, et avec une pioche ; vous croyez que dans nos armées tous nos soldats font leurs ordures dans leurs tentes. Vous vous trompez, messieurs ; ils sont aussi propres que vous. Si vous êtes engoués de la manière dont vos ancêtres poussaient leur selle, lisez les cinquante-deux manières de se torcher le cul, décrites par notre grand rabbin François Rabelais[1] ; et vous conviendrez de la prodigieuse supériorité que nous avons sur vous.

Passons de la garde-robe à votre cuisine. Pensez-vous que votre temple, qui n’était que la cuisine de vos lévites, fût aussi propre que Saint-Pierre de Rome ? Vous nous racontez qu’un jour Salomon tua dans ce temple vingt-deux mille bœufs gras et cent vingt mille moutons pour son dîner, sans compter les marmites du peuple. Songez qu’à cinquante pintes de sang par bœuf gras, et à dix pintes par mouton, cela fait vingt-trois millions de pintes de sang qui coulèrent ce jour-là dans votre temple. Figurez-vous quel monceau de charognes dépecées ! que de marmitons, que de marmites, que d’infection ! Est-ce là votre propreté, messieurs ? Est-ce là le simplex munditiis d’Horace ?

IX. — De la gaieté.

Vous nous citez le sabbat pour une fête gaie : « Aux six jours de travail succède régulièrement un jour de repos ; » et moi, je pourrais vous citer le tristia sabbata cordi, le septima quæque dies turpi sacrata veterno. Et je vous soutiendrai qu’un jour de dimanche, la Courtille, les Porcherons, les boulevards, sont cent fois plus gais que toutes vos fêtes jointes ensemble. Vraiment il vous sied bien de croire être plus joyeux que les Parisiens !

X. — De la gonorrhée.

Vous confondez la gonorrhée antique, commune aux messieurs et aux dames dans tous les temps, avec la chaudep…, maladie qui n’est connue que depuis la fin du xve siècle. Gonor-

  1. Livre I, chapitre xiii.