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daher, ne vous le conseille pas : il dit que c’est un des plus maudits cantons de l’Arabie Pétrée. Vous croyez que c’est un pays charmant, et que les dames y conservent la fleur de leur beauté jusqu’à cent ans, parce que Abimelech, roi de Guérar, y fut amoureux de Sara, qui en avait quatre-vingt-dix ; et vous pensez que l’on est fort riche à Guérar, parce que Abimelech fit à Sara d’aussi beaux présents qu’elle en avait reçu du roi d’Égypte, environ trente ans auparavant, en brebis, en garçons, en bœufs, en filles, en ânes, et qu’il lui donna encore mille écus en monnaie, quoiqu’il n’y eût de monnaie nulle part.

Faites le voyage si vous voulez ; nous ne vous suivrons pas. Mon ami est plus vieux qu’Abraham, et moi aussi ; on ne va pas loin à notre âge. Envoyez plutôt à Guérar M. Rondet[1] votre ami, l’auteur du Journal de Verdun, qui sait qu’un kof vaut cent écus et un mem quarante écus. Je crois qu’il se trompe, mais n’importe.

XIe NIAISERIE.
sur le nombre actuel des juifs

Messieurs les juifs, vous dites à mon vieux camarade : « Apparemment vous ne prétendez pas, quand nous battions les Ammonites, quand nous nous emparions de l’Idumée, et que nous prenions Damas, que nous n’étions que quatre cent mille hommes. » Je vous demande pardon, messieurs, nous croyons que vous étiez en plus petit nombre que quand vous ne prîtes point Damas, que vous vous vantez d’avoir pris. Nous pensons que vous n’êtes pas quatre cent mille aujourd’hui, et qu’il s’en faut près des trois quarts. Comptons :

Cinq cents chez nous devers Metz ; une trentaine à Bordeaux ; deux cents en Alsace ; douze mille en Hollande et en Flandre ; quatre mille cachés en Espagne et en Portugal ; quinze mille en Italie ; deux mille très-ouvertement à Londres ; vingt mille en Allemagne, Hongrie, Holstein, Scandinavie ; vingt-cinq mille en Pologne et pays circonvoisins ; quinze mille en Turquie ; quinze mille en Perse, Voilà tout ce que je connais de votre population ; elle ne se monte qu’à cent huit mille sept cent trente Juifs. Je

  1. Laurent-Étienne Rondet, né à Paris en 1717, mort en 1785, écrivain janséniste, a travaillé au Journal ecclésiastique commencé en octobre 1730, et qui existait encore en juillet 1792 ; il est cité par Guenée comme ayant travaillé à la Clef du cabinet des princes, ou Journal de Verdun, 1704-1776, cent vingt volumes in-8o. (B.)