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une autre vous l’accablez d’injures et de calomnies ? Moi, qui vous parle, je suis aussi faible, aussi changeant que vous. Tantôt je prends sérieusement vos citations, vos raisonnements, votre malignité ; tantôt j’en ris. Quel est le résultat de toute cette dispute ? C’est que nous nous battons de la chape à l’évêque.

Encore un mot, mes chers juifs, sur la tolérance. Quoique vous soyez très-piqués contre le Nouveau Testament je vous conjure de lire la parabole de l’hérétique samaritain qui secourt et qui guérit le voyageur blessé, tandis que le prêtre et le lévite l’abandonnent. Remarquez que Jésus, très-tolérant, prend l’exemple de la charité chez un incrédule, et celui de la cruauté chez deux docteurs.

XXVIII. — Justes plaintes et bons conseils.

Je viens de vous dire, monsieur ou messieurs, que je ris quelquefois des calomnies atroces que vous vous êtes permis de recueillir et de répéter contre mon ami ; soyez persuadés que je n’en ris pas toujours. Vous lui imputez je ne sais quelles brochures intitulées Dictionnaire philosophique[1], Questions de Zapata, Dîner du comte de Boulainvilliers, et vingt autres ouvrages un peu trop gais, à ce qu’on dit. Je suis très-sûr, et je vous atteste, qu’ils ne sont point de lui : ce sont des plaisanteries faites autrefois par des jeunes gens. Il y a bien de la cruauté (je parle ici sérieusement) à vouloir charger un homme accablé de soins et d’années, un solitaire presque inconnu, un moribond, des facéties de quelques jeunes plaisants qui folâtraient il y a quarante ans[2]. Vous prétendez le brouiller avec M. Pinto[3], pour lequel il est plein d’estime ; vous espérez lui faire intenter un procès criminel par des fanatiques. Vous perdez votre peine : il sera mort avant qu’il soit ajourné ; et, s’il est en vie, il confondra les calomniateurs.

Il est vrai que vous paraissez avoir beau jeu dans la guerre offensive que vous faites ; vous combattez avec des armes qu’on révère ; vous prenez sur l’autel le couteau dont vous voulez frapper votre victime. Si vous demeurez dans un village auprès d’Utrecht, vous êtes victimes vous-mêmes ; et vous voulez devenir

  1. Les trois ouvrages dont il est ici question sont de Voltaire.
  2. Voltaire avait fait imprimer, sous le nom de Saint-Hyacinthe et sous la date de 1728, une édition du Dîner du comte de Boulainvilliers.
  3. Celui dont il a été parlé ci-dessus, page 503.