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INDIENNES, ET TARTARES. 483

du monde, si bien chantés par Ovide, et qui figurent toujours dans nos opéras et dans nos tableaux. Le premier âge de la création de la terre pour sauver les âmes de l’enfer fut de trois millions deux cent mille de nos années, ci 3,200,000

Le second fut de1,600,00

Le troisième, de800,000

Le quatrième, où nous sommes, est de400,000

Ainsi tout va toujours en diminuant et en empirant dans ce monde ; mais nous sommes plus discrets que les brachmanes. Nos âges ne sont pas si longs. Les Indiens appellent ces âges iogues. C’est dans le présent iogue qu’un roi des bords du Gange, nommé Brama, écrivit dans la langue sacrée le sacré Shastabad, il n’y a guère que cinq mille années ; mais il ne s’écoula pas quinze siècles qu’un autre brachmane, qui pourtant n’était pas roi, donna une loi nouvelle du Veidam. Je lui en demande bien pardon : ce Veidam est le plus ennuyeux fatras que j’aie jamais lu. Figurez-vous la Légende dorée, les Conformités de saint François d’Assise, les Exercices spirituels de saint Ignace, et les Sermons de Menot, joints ensemble, vous n’aurez encore qu’une idée très-imparfaite des impertinences du Veidam.

L’Ézour-Veidam est tout autre chose. C’est l’ouvrage d’un vrai sage qui s’élève avec force contre toutes les sottises des brachmanes de son temps. Cet Ézour-Veidam fut écrit quelque temps avant l’invasion d’Alexandre. C’est une dispute de la philosophie contre la théologie indienne ; mais je parie que l’Ézour-Veidam[1]n’a aucun crédit dans son pays, et que le Veidam y passe pour un livre céleste.

LETTRE X.

sur le paradis terrestre de l’inde.

Ce n’est pas assez, monsieur, que deux Anglais, dans les trésors qu’ils ont rapportés de l’Inde, aient compté principalement rapportés de l’inde, aient compté principalement

  1. L’Ézour-Veidam est en effet un livre qui combat toutes les superstitions, et qui détruit les fables dont on déshonore la Divinité ; c’est probablement le livre que le P. Pons, missionnaire sur la côte de Malabar en 1740, appelle l’Ajour-Veidam. Il avait un peu appris la langue des brames modernes, mais non pas l’ancien Hanscrit, qui est pour eux ce qu’est l’Iliade d’Homère pour les Grecs d’aujourd’hui. Voyez sa lettre au P. Duhalde, dans le vingt-cinquième tome des Lettres curieuses et édifiantes. (Note de Voltaire.) — Voyez, sur l’imposture de l’Ézour-Veidam, la note de M. Reinaud, tome XXVI, page 392.