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FRAGMENT
SUR LA JUSTICE
à l’occasion
DU PROCÈS DE M. LE COMTE DE MORANGIÉS CONTRE LES DU JONQUAY[1].


(1773)

Le procès du général Lally fut cruel ; celui que le comte de Morangiés essuya fut absurde. Il y va de l’honneur de la nation de transmettre à la postérité ces aventures odieuses, afin de laisser un préservatif contre les excès auxquels l’aveuglement de la prévention et la démence de l’esprit de parti peuvent entraîner les hommes.

Un jeune aventurier de la lie du peuple est assez extravagant et assez hardi pour supposer qu’il a prêté cent mille écus à un maréchal de camp, de l’argent de sa pauvre grand’mère, qui logeait dans un galetas avec lui et le reste de sa famille ; il affirme, il jure qu’il a porté lui-même à pied ces cent mille écus au maréchal de camp, en treize voyages, et qu’il a couru environ six lieues en un matin pour lui rendre ce service. Ce jeune homme, nommé Liégard, surnommé Du Jonquay, sachant à peine lire et écrire, et orthographiant comme un laquais mal élevé, avait été pourtant reçu docteur ès lois par bénéfice d’âge : condescen-

  1. Ce Fragment sur la Justice, etc., fut publié pour la première fois à la suite des seize derniers articles, ou seconde partie des Fragments historiques sur l’Inde, composés dans la vue d’appeler l’attention sur Lally. C’est le onzième et le dernier des écrits de Voltaire pour Morangiés. Il est postérieur à l’arrêt du parlement du 3 septembre 1773. (B.)

    — Voltaire, voulant laver son ancien client de tous soupçons, bâtit une légende sur les intrigues des Véron à l’égard de Morangiés. Rien de moins probable que son récit. Mais Voltaire a le dernier mot. (G. A.)