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SUR L’INDE.

a quelquefois adressé ses prières. Le dieu Priape, le dieu Jugatin, qui unissait les époux ; le subjuguant Materprema, qui empêchait la matrice de faire la difficile ; la Pertunda, qui présidait au devoir conjugal : tous ces magots, tous ces pénates, n’étaient point regardés comme des dieux. Ils n’avaient point de place dans le panthéon d’Agrippa, non plus que Rumilia, la déesse des tétons ; Stercutius, le dieu de la chaise percée ; et Crepitus, le dieu pet. Cicéron ne s’abaisse point à citer ces prétendues divinités dans son livre De la Nature des dieux, dans ses Tusculanes, dans sa Divination. Il faut laisser à la populace ses amusements, son saint Ovide, qui ressuscite les petits garçons ; et son saint Raboni, qui rabonnit les mauvais maris, ou qui les fait mourir au bout de l’année.

Il est vraisemblable que le Lingam indien et le Phallus égyptien furent autrefois traités plus sérieusement chez des nations qui existaient tant de siècles avant Rome. L’amour, si nécessaire au monde, et qui est l’âme de la nature, n’était point une plaisanterie, comme du temps de Catulle et d’Horace. Les premiers Grecs surtout en parlèrent avec respect. Les poëtes étaient ses prophètes. Hésiode, en appelant Vénus l’amante de la génération (φιλομμηδὴς), révère en elle la source des êtres.

On a prétendu qu’Astaroth, chez les Syriens, était autrefois le même que le Priape de Lampsaque. Chez les Indiens, ce ne fut jamais qu’un symbole. On y attache encore quelque superstition, mais on ne l’adore pas. Ce mot d’adorer, employé par quelques compilateurs, est la profanation d’un mot consacré à l’Être des êtres.

On demande pourquoi ce symbole existe encore dans quelques endroits des côtes de Malabar et de Coromandel : c’est qu’il exista. Les habitants de ces climats conservèrent longtemps cette simplicité grossière qui ne sait ni rougir ni railler de la nature. Les femmes indiennes n’ont jamais eu de commerce avec les Européans. La malignité des peuples éclairés rit d’un tel usage : l’innocence le voit impunément. Il paraît qu’une telle coutume a dû s’établir d’autant plus aisément que l’adultère, ce vol domestique, ce parjure dont nous nous moquons, fut longtemps inconnu dans l’Inde, et que la vie retirée des femmes le rend encore aujourd’hui extrêmement rare. Ainsi ce qui ne nous paraît qu’un signe honteux de la débauche n’était pour eux que le signe de la foi conjugale.

Qu’il nous soit permis de répéter ici que si dans presque toutes les religions il y eut des usages atroces, si on fit couler le sang