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mystérieux aux imaginations des autres peuples, qui sont tous évidemment plongés dans l’erreur, n’avons-nous pas, dans l’Apocalypse[1], un exemple frappant de ce que je dis ? N’y voit-on pas la belle épouse qui se marie avec l’agneau ? N’y voit-on pas la Jérusalem céleste toute bâtie d’or et de pierres précieuses ? Cette ville carrée n’a-t-elle pas soixante lieues en tout sens ? Les maisons n’y sont-elles pas de soixante lieues de haut ? N’y a-t-il pas des canaux d’eau vive, bordés d’arbres qui portent des fruits délicieux ? On trouve des allégories à peu près semblables, quoique moins sublimes, dans la plus haute antiquité.

Non-seulement ce Paulian, dans son Dictionnaire, calomnie les musulmans, mais il calomnie toutes les communions chrétiennes, et les sectes, et les particuliers : c’est assez le propre des jésuites ; ces malheureux ont pris cette mauvaise habitude dans les écoles où ils ont régenté. Le pédantisme et l’insolence ont formé le caractère de ceux qui ont disputé ; ils n’ont pu s’en défaire après leur dispersion : ils sont comme les Juifs, qui ont conservé leurs anciennes superstitions, n’ayant plus de Jérusalem. Nous laissons encore les Juifs prêter sur gages, et nous laissons aboyer les Paulian et les Nonotte.

Mais ces chiens devraient s’apercevoir qu’ils n’aboient plus que dans la rue, qu’ils sont chassés de toutes les maisons où ils mordaient autrefois.

Ce roquet de Paulian (qui le croirait ? ) parle encore de la grâce suffisante. Il est vraiment bien question aujourd’hui de la grâce suffisante qui ne suffit pas ! Ces sottises faisaient grand bruit sous Louis XIV, quand le misérable Normand Le Tellier, natif de Vire, osait persécuter le cardinal de Noailles. Les querelles ridicules des jansénistes et des molinistes sont oubliées aujourd’hui, comme mille autres sectes qui ont troublé la paix publique dans des temps d’ignorance et de bel esprit.

Je vous enverrai, par la première poste, un relevé des calomnies de Paulian contre les bons chrétiens[2].


RÉPONSE À CETTE LETTRE
PAR M. DE MORZA

[3].

Votre Paulian, monsieur, est aussi ignoré dans Paris que les tragédies et les comédies de l’année passée, les oraisons funèbres

  1. Chapitre xxi.
  2. Nous n’avons pas trouvé ce relevé : ce sera pour une autre fois : Oportet cognosci malos. {Note de Voltaire. )
  3. Tel est le titre de cet écrit dans l’impression de 1776 ( voyez la note de la