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diction du pain, et de ces paroles mystérieuses qui ont causé tant de malheurs : Ceci est mon corps ; ceci est le calice de mon sang. Ils s’étonnent que le disciple bien-aimé garde le silence sur le principal point de la mission de son maître.

On dispute sur l’heure de sa mort, sur les femmes qui assistèrent à son supplice ; saint Matthieu disant qu’elles étaient loin, et saint Jean affirmant au contraire qu’elles étaient auprès de la croix, et que Jésus leur parla.

On dispute sur sa résurrection, sur ses apparitions, sur son ascension dans les airs. Ces paroles même qu’on trouve dans saint Jean[1] : Je vais à mon père qui est votre père, à mon Dieu qui est votre Dieu, ont fourni à l’Église de ceux qu’on appelle sociniens un prétexte qu’ils ont cru plausible de soutenir que Jésus n’était pas Dieu, mais seulement envoyé de Dieu.

On ne s’accorde pas sur le lieu duquel il monta au ciel. Saint Luc dit que ce fut en Béthanie ; saint Marc ne dit pas en quel endroit ; saint Matthieu, saint Jean, n’en parlent pas. Saint Luc même, dans son Évangile[2], nous fait entendre que Jésus monta au ciel le lendemain de sa résurrection ; et dans les Actes des apôtres[3], il est dit que ce fut après quarante jours. Toutes ces contradictions exercent l’esprit des savants, mais elles ne les rendent ni plus modestes, ni plus doux, ni plus compatissants.

La naissance, la vie, et la mort de Jésus, sont l’éternel sujet de disputes interminables. Saint Luc nous dit qu’Auguste ordonna un dénombrement de toute la terre, et que Joseph et Marie vinrent se faire dénombrer à Bethléem, quoique Joseph ne fût pas natif de Bethléem, mais de la Galilée. Cependant ni aucun auteur romain, ni Flavius Josèphe lui-même, ne parlent de ce dénombrement. Luc dit que Joseph et Marie furent dénombrés sous Cyrinus ou Quirinus, gouverneur de Syrie ; mais il est avéré par Tacite que ce Cyrinus ou Quirinus ne gouverna la Syrie que dix ans après, et que c’était alors Quintilius Varus qui était gouverneur. Luc donne pour grand-père à Jésus Héli, père de Joseph ; Matthieu donne à Joseph Jacob pour père ; et tous deux, en donnant chacun à Joseph une généalogie absolument différente, disent que Jésus n'était pas son fils. Luc assure que Joseph et Marie emmenèrent Jésus en Galilée ; Matthieu dit qu’ils l’emmenèrent en Égypte.

  1. XX, 17.
  2. XXIV, 51.
  3. I, 3.