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DE SAINT CUCUFIN. 421

voit point qu'aucune impératrice se soit appelée Junon, Alinerve, Latone, Vénus, Iris; au lieu que nous prenons hardiment le nom de Jean et de Matthieu, Chaumeix porte insolemment le nom d'Abraham K J'ai connu un impuissant qui s'appelait Salomon, mari de trois cents femmes et de sept cents concubines. Le plus vil coquin a son nom de saint; je voudrais bien savoir quel est le nom de baptême de Fréron -,

Les Latins, depuis Numa jusqu'à Théodosc, ont toujours désigné Dieu par le titre de très-grand et très-bon, titre qu'ils n'ont jamais donné à aucun autre être. Jamais, chez eux, la Divinité suprême n'a eu d'associés; ce blasphème fut inconnu à toute l'antiquité.

Mais on adorait Mars, Minerve, Junon, Apollo'.i, etc. Oui, comme des génies inférieurs, et, si j'ose le dire sans blasphème, comme les catholiques révèrent les saints. Les divinités secon- daires étaient aux yeux des païens précisément r e que sont nos canonisés. Les Grecs et les Romains pratiquaient dans leurs erreurs ce que nous pratiquons sous l'empire de la vérité.

Saint George, armé de pied en cap, est le dieu des batailles comme l'étaient Mars et Ares chez les Grecs, à cela près que ce Mars, si terriblement peint par Homère, inspirait encore plus de respect que saint George, trop grossièrement chanté par nos légendaires. Junon était un autre personnage que sainte Claire; Mercure, le dieu des arts, vaut bien saint Crépin, le dieu des cordonniers. Diane eut plus de réputation que saint Hubert, quoiqu'il guérisse de la rage.

Il y eut des anges de la guerre et de la paix chez les Indiens, chez les Persans, chez les Babyloniens. La nation juive, igno- rante et grossière, qui n'eut aucune doctrine ferme et constante que depuis sa captivité à Babylone^ n'apprit que des Chaldéens les noms de ses anges*. C'est une vérité reconnue de tous ceux qui ont au moins une légère teinture de l'antiquité. Ce fut alors que les Juifs connurent Michael, Gabriel, Raphaël, Uriel, etc. ; le nom même d'Israël, qui signifie voyant Dieu, est chaldéen : les historiens juifs, Josèphe et Philon, l'avouent. Ce n'est donc que dans des temps très-postérieurs à la loi qu'on trouve dans DanieP

��1. Voyez tome XVII, page 5.

2. Voyez tome XXIV, page 181, les Anecdotes sur Fréron.

3. Voyez VA, B, C, dix-septième entretien, ci-dessus, page 39'2 ; et tome XI. pages 138, 184.

4. Talmud de Jérusalem, in rhoslra shana. (A'oie de VoUaire.)

5. Ch. IX, V. 22; et ch. x, v. 13. (W.)

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