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ECRITE A xM. DE VOLTAIRE. 403

Si l'auteur du livre des Erreurs connaissait l'histoire de sa nation, il saurait que le roi Henri III, revenant de Pologne, arriva à Lyon le 5 septembre 157/i, qu'il y tint un conseil d'État; que, dans ce conseil, il y eut deux avis: l'un d'accepter les propositions des protestants, l'autre de leur faire la guerre; que le dernier ayant prévalu, le roi s'aperçut au second siège de Livron qu'il avait pris le mauvais parti, ainsi que vous l'avez avancé i.

Il saurait que les coureurs de l'armée de Montbrun pillèrent les équipages du roi sur la route de Cliambéry à Lyon ; que le second siège de Livron fut résolu; que le maréchal de Bellegarde en fut chargé, avec une armée considérable et vingt-deux pièces de gros canon; que les citoyens, aidés d'une garnison de quatre cents hommes, n'en avaient qu'une de très-petit calibre; que, malgré deux sorties vigoureuses faites par Roèsses, les assié- geants dressèrent trois batteries qui commencèrent à tirer le 21 décembre, et que les assiégés élevèrent au hout d'une pique un fer à cheval, un chat et des gants, voulant dire, par un rébus digne de ce temps : Maréchal, un tel chat ne se prend pas sans gants.

Cet auteur saurait que le 26 décembre une partie du rempart ayant été abattue, les assiégeants montèrent à l'assaut, que l'at- taque fut longue, et la défense opiniâtre, les citoyens de tout âge et de tout sexe s'étant joints à la garnison; que les troupes du roi, composées des vieilles bandes des Suisses et des Piémontais, furent repoussées avec perte si considérable qu'elles restèrent dans l'inaction pendant quelques jours; que les assiégés en pro- fitèrent pour réparer leurs brèches.

Que Pioësses, commandant de la place, ayant été tué à cet assaut, ainsi que deux autres gentilshommes, Fianecy et Bouvier, Delhaye, jeune homme de vingt-deux ans, fut choisi, quoique blessé, pour le remplacer: j'ai sous les yeux un ordre signé de sa main; que les batteries ayant recommencé à tirer le 1" janvier, et le rempart ayant été miné, les troupes du roi donnèrent un second assaut en trois différents endroits le 8 du même mois; qu'elles furent repoussées partout, et très-maltraitées; qu'après cet échec, l'armée resta deux jours dans l'inaction, et qu'une femme fila hardiment sur la brèche.

Que le roi s'étant rendu au camp sous Livron, le 13 janvier, les assiégés crièrent du haut des murailles : « Assassins, que venez-vous chercher ici? Est-ce pour nous surprendre en nos lits,

1. ^■oyez tome XII, page 528 ; et XXIV, 509.

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