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L’A, B, C.



ONZIÈME ENTRETIEN.
DU DROIT DE LA GUERRE[1].


B.

Nous avons traité des matières qui nous regardent tous de fort près ; et les hommes sont bien insensés d’aimer mieux aller à la chasse ou jouer au piquet que de s’instruire sur des objets si importants. Notre premier dessein était d’approfondir le droit de la guerre et de la paix ; nous n’en avons pas encore parlé.

A. Qu’entendez-vous par le droit de la guerre ?

B. Vous m’embarrassez ; mais enfin de Groot ou Grotius en a fait un ample traité, dans lequel il cite plus de deux cents auteurs grecs ou latins, et même des auteurs juifs.

A.

Croyez-vous que le prince Eugène et le duc de Marlborough l’eussent étudié, quand ils vinrent chasser les Français de cent lieues de pays? Le droit de la paix, je le connais assez, c’est de tenir sa parole, et de laisser tous les hommes jouir des droits de la nature; mais, pour le droit de la guerre, je ne sais ce que c’est. Le code du meurtre me semble une étrange imagination. J’es- père que bientôt on nous donnera la jurisprudence des voleurs de grand chemin.

C.

Comment accorderons-nous donc cette horreur si ancienne, si universelle de la guerre, avec les idées du juste et de l’injuste, avec cette bienveillance pour nos semblables que nous préten- dons être née avec nous, avec le to -/-aVjv, le beau, et l’honnête?

B.

N’allons pas si vite. Ce crime qui consiste à commettre un si grand nombre de crimes en front de bandière n’est pas si uni-

  1. Dans les Questions sur l’Encyclopédie, ce dialogue était donné sous ce mot : Droit (du) de la guerre, Dialogue entre un Anglais et un Allemand, et commençait au second alinéa, qui était dans la bouche de l’Allemand : « Qu’entendez-vous par le droit de la guerre ? »