Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome27.djvu/325

Cette page n’a pas encore été corrigée

L'A, B, C. 317

Montesquieu, il faut l'avouer, ne cite pas mieux les auteurs grecs que les français. Il leur fait sou\cnt dire le contraire de ce qu'ils ont dit.

Il avance, en parlant de la condition des femmes dans les divers gouvernements, ou plutôt en promettant d'en parler, que chez les Grecs ^ « l'amour n'avait qu'une forme que l'on n'ose dire ». Il n'hésite pas à prendre Plutarque même pour son ga- rant : il fait dire à Plutarque que « les femmes n'ont aucune part au véritable amour ». 11 ne fait pas réflexion que Plutarque fait parler plusieurs interlocuteurs : il y a un Protogène - qui déclame contre les femmes, mais Daphneus prend leur parti; Plutarque décide pour Daphneus ; il fait un très-bel éloge de l'amour céleste et de l'amour conjugal; il finit par rapporter plusieurs exemples de la fidélité et du courage des femmes. C'est même dans ce dialogue qu'on trouve l'histoire de Gamma , et celle d'Éponine, femme de Sabinus, dont les vertus ont servi de sujet à des pièces de théâtre ^

Enfin il est clair que Montesquieu, dans VEsprit des lois, a calomnié l'esprit de la Grèce, en prenant une objection que Plu- tarque réfute pour une loi que Plutarque recommande.

  • « Des cadis ont soutenu que le Grand Seigneur n'était point

obligé de tenir sa parole ou son serment, lorsqu'il bornait par là son autorité. »

Ricaut, cité en cet endroit, dit seulement, page 18 de l'édition d'Amsterdam, de 1671 : « Il y a même de ces gens-là qui sou- tiennent que le Grand Seigneur peut se dispenser des promesses qu'il a faites avec serment, quand, pour les accomplir, il faut donner des bornes à son autorité. »

Ce discours est bien vague. Le sultan des Turcs ne peut pro- mettre qu'à ses sujets ou aux puissances voisines. Si ce sont des promesses à ses sujets, il n'y a point de serment ; si ce sont des traités de paix, il faut qu'il les tienne comme les autres princes, ou qu'il fasse la guerre. h'Alcoran ne dit en aucun endroit qu'on peut violer son serment, et il dit en cent endroits qu'il faut le garder. Il se peut que, pour entreprendre une guerre injuste, comme elles le sont presque toutes, le Grand Turc assemble un conseil de conscience, comme ont fait plusieurs princes chrétiens,

1. Liv. VII, ch. IX. [Note de Voliaire.)

2. Voyez, dans les OEuvres morales de Plutarque, le dialogue De l'Amour.

3. Passerai, en 1G95, Richer, en 1734, Chabanon, en 17G2, avaient traité ce sujet.

■4. Liv. III, ch. IX. (Note de Voltaire.)

�� �