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CALOMNIE DE CHINIAC.


audacieusement les miracles de notre Seigneur Jésus-Christ, n’ont pas écrit une seule ligne qui ait la moindre teinture de cette horrible idée ; au contraire, ils rendent à Jésus-Christ le plus profond respect, et Woolston surtout se borne à regarder les miracles de notre Seigneur comme des types et des paraboles.

J’avance hardiment que, si cet insolent blasphème se trouvait dans quelque mauvais livre, mille voix se seraient élevées contre le monstre qui l’aurait vomi. Enfin je défie le Chiniac de me le montrer ailleurs que dans son libelle ; apparemment il a pris ce détour pour blasphémer, sous le masque, contre notre Sauveur, comme il blasphème à tort et à travers contre notre saint père le pape, et souvent contre les évêques : il a cru pouvoir être criminel impunément, en prenant ses flèches infernales dans un carquois sacré, et en couvrant d’opprobre la religion, qu’il feint de défendre. Je ne crois pas qu’il y ait d’exemple ni d’une calomnie si impudente, ni d’une fraude si basse, ni d’une impiété si effrayante ; et je pense que Dieu me pardonnera si je dis quelques injures à ce Chiniac.

Il faut sans doute avoir abjuré toute pudeur, ainsi qu’avoir perdu toute raison, pour traiter Jésus-Christ de charlatan et d’imposteur ; lui qui vécut toujours dans l’humble obscurité ; lui qui n’écrivit jamais une seule ligne, tandis que de modernes docteurs si peu doctes nous assomment de gros volumes sur des questions dont il ne parla jamais ; lui qui se soumit depuis sa naissance jusqu’à sa mort à la religion dans laquelle il était né ; lui qui en recommanda toutes les observances, qui ne prêcha jamais que l’amour de Dieu et du prochain ; qui ne parla jamais de Dieu que comme d’un père, selon l’usage des Juifs ; qui, loin de se donner jamais le titre de Dieu, dit, en mourant[1] : Je vais à mon père, qui est votre père ; à mon Dieu, qui est votre Dieu ; lui enfin dont le saint zèle condamne si hautement l’hypocrisie et les fureurs des nouveaux charlatans[2], qui, dans l’espérance d’obtenir un petit bénéfice, ou de servir un parti qui les protége, seraient capables d’employer le fer ou le poison, comme ils ont employé les convulsions et les calomnies.

Ayant cherché en vain pendant plus de trois mois la citation du prétendu Chiniac, et ayant prié mes amis de chercher de leur côté, nous avons tous été forcés avec horreur de lire plus de quatre cents volumes contre le christianisme, tant en latin qu’en

  1. Jean, ch. xx, v. 17. (Note de Voltaire.)
  2. Les jansénistes ; voyez ci-après, chapitre xxxvi, page 291.