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CHAPITRE XXVIII.


se battre contre un serpent, et on n’est pas dans le cas de Tartuffe, qui s’accusait d’avoir tué une puce avec trop de colère[1].


CHAPITRE XXVIII.
d’une calomnie abominable et d’une impiété horrible du prétendu chiniac.

Passe encore qu’on se trompe sur une pancarte de Pepin le Bref, le pape n’en a pas sur Ravenne un droit moins confirmé par le temps et par le consentement de tous les princes ; la plupart des origines sont suspectes, et un droit reconnu de tout le monde est incontestable.

Mais de quel front le prétendu Chiniac de La Bastide Duclaux, commentateur des libertés de l’Église gallicane, peut-il citer cet abominable passage qu’il dit avoir lu dans un dictionnaire ? « Jésus-Christ a été le plus habile charlatan et le plus grand imposteur qui ait paru depuis l’existence du monde. » On est naturellement porté à croire qu’un homme qui cite un trait si horrible avec confiance ne l’a pas inventé. Plus l’atrocité est extrême, moins on s’imagine que ce soit une fiction. On croit la citation vraie, précisément parce qu’elle est abominable ; cependant il n’y en a pas un mot, pas l’ombre d’une telle idée dans le livre dont parle ce Chiniac. Est-ce là une liberté gallicane ? J’ai lu très-attentivement ce livre qu’il cite ; je sais que c’est un recueil d’articles traduits du lord Shaftesbury, du lord Bolingbroke, de Trenchard, de Gordon, du docteur Middleton, du célèbre Abauzit[2], et d’autres morceaux connus qui sont mot à mot dans le grand Dictionnaire encyclopédique, tel que l’article Messie, lequel est tout entier d’un pasteur d’une église réformée[3], et dont nous possédons l’original.

Non-seulement l’infâme citation du prétendu Chiniac n’est dans aucun endroit de ce livre, mais je puis assurer qu’elle ne se trouve dans aucun des livres écrits contre la religion chrétienne, depuis Celse et l’empereur Julien : le devoir de mon état est de les lire pour y mieux répondre, ayant l’honneur d’être bachelier en théologie. J’ai lu tout ce qu’il y a de plus fort et de plus frivole. Woolston lui-même, Jean-Jacques Rousseau, qui ont osé nier si

  1. Acte I, scène VI.
  2. Voyez la note, tome XXVI, page 567.
  3. Polier de Botens ; voyez tome XX, page 62.