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CHAPITRE X.


dans cet historien la lettre de Tibère au sénat contre Séjan, s’avise de la donner de sa tête, et de se mettre à la fois à la place de l’empereur et de Tacite. Je sais que Tite-Live prête souvent des harangues à ses héros : quel a été le but de Tite-Live ? De montrer de l’esprit et de l’éloquence. Je lui dirais volontiers : Si tu veux haranguer, va plaider devant le sénat de Rome ; si tu veux écrire l’histoire, ne nous dis que la vérité.

N’oublions pas la prétendue Thalestris, reine des Amazones, qui vint trouver Alexandre pour le prier de lui faire un enfant. Apparemment le rendez-vous fut donné sur les bords du prétendu Tanaïs.


CHAPITRE X.
des villes sacrées.

Ce qu’il eût fallu bien remarquer dans l’histoire ancienne, c’est que toutes les capitales, et même plusieurs villes médiocres, furent appelées sacrées, villes de Dieu. La raison en est qu’elles étaient fondées sous les auspices de quelque dieu protecteur.

Babylone signifiait la ville de Dieu, du père Dieu. Combien de villes dans la Syrie, dans la Parthie, dans l’Arabie, dans l’Égypte, n’eurent point d’autre nom que celui de ville sacrée ! Les Grecs les appelèrent Diospolis, Hierapolis, en traduisant leur nom exactement. Il y avait même jusqu’à des villages, jusqu’à des collines sacrées, Hieracome, Hierabolis, Hierapetra.

Les forteresses, surtout Hieragherma[1], étaient habitées par quelque dieu.

Ilion, la citadelle de Troie, était toute divine ; elle fut bâtie par Neptune. Le palladium lui assurait la victoire sur tous ses ennemis. La Mecque, devenue si fameuse, plus ancienne que Troie, était sacrée. Aden ou Éden, sur le bord méridional de l’Arabie, était aussi sacrée que la Mecque, et plus antique.

Chaque ville avait ses oracles, ses prophéties, qui lui promettaient une durée éternelle, un empire éternel, des prospérités éternelles ; et toutes furent trompées.

Outre le nom particulier que chaque métropole s’était donné, et auquel elle joignait toujours les épithètes de divin, de sacré, elles avaient un nom secret, et plus sacré encore, qui n’était

  1. Ville de l’ancienne Mysie, et dont la position se retrouve, suivant Banville, dans un lieu nommé aujourd’hui Ghermasti. (B.)