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CHAPITRE III.


des points de fait ? Bossuet abuse ici visiblement des mots ; cela n’est pardonnable qu’à Calmet, et à de pareils commentateurs.

D’où vient que Bossuet en a imposé si hardiment ? D’où vient que personne n’a relevé cette infidélité ? C’est qu’il était bien sûr que sa nation ne lirait que superficiellement sa belle déclamation universelle, et que les ignorants le croiraient sur sa parole, parole éloquente et quelquefois trompeuse.


CHAPITRE III.
de l’histoire ecclésiastique de fleury.

J’ai vu une statue de boue dans laquelle l’artiste avait mêlé quelques feuilles d’or ; j’ai séparé l’or, et j’ai jeté la boue. Cette statue est l’Histoire ecclésiastique compilée par Fleury, ornée de quelques discours[1] détachés dans lesquels on voit briller des traits de liberté et de vérité, tandis que le corps de l’histoire est souillé de contes qu’une vieille femme rougirait de répéter aujourd’hui.

C’est un Théodore dont on changea le nom en celui de Grégoire Thaumaturge, qui, dans sa jeunesse, étant pressé publiquement par une fille de joie de lui payer l’argent de leurs rendez-vous vrais ou faux, lui fait entrer le diable dans le corps pour son salaire.

Saint Jean et la sainte Vierge viennent ensuite lui expliquer les mystères du christianisme. Dès qu’il est instruit, il écrit une lettre au diable, la met sur un autel païen ; la lettre est rendue à son adresse, et le diable fait ponctuellement ce que Grégoire lui a commandé. Au sortir de là il fait marcher des pierres comme Amphion. Il est pris pour juge par deux frères qui se disputaient un étang, et pour les mettre d’accord il fait disparaître l’étang ; il se change en arbre comme Protée ; il rencontre un charbonnier nommé Alexandre, il le fait évêque : voilà probablement l’origine de la foi du charbonnier.

  1. Les Discours sur l’Histoire ecclésiastique font partie des volumes de l’Histoire ecclésiastique, et sont au nombre de huit. Ils ont été réimprimés séparément en 1708, un volume in-12. Le neuvième Discours sur les libertés de l’Église gallicane a été mis à l’index, à la cour de Rome, le 13 février 1725, suivant le catalogue des livres mis à l’index, publié en 1825. Mais le huitième Discours de Fleury est, dans le tome XX de l’Histoire ecclésiastique, le dernier qui soit de Fleury. En tête du XXI, publié par son continuateur (le P. Fabre, de l’Oratoire), est un Discours préliminaire servant d’introduction à l’Histoire du quinzième siècle : c’est sans doute ce morceau que l’Index appelle Neuvième Discours. (B.)