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HOMÉLIE

du diable qui emporte le Fils de Dieu sur une montagne[1] d’où l’on découvre tous les royaumes de la terre, celui du figuier[2], celui de deux mille cochons[3]. Je les laisserai exercer leur critique sur les paraboles qui les scandalisent, sur la prédiction faite par Jésus même au chapitre xxi[4] de Luc, qu’il viendrait dans les nues avec une grande puissance et une grande majesté, avant que la génération devant laquelle il parlait fût passée. Il n’y a point de page qui n’ait produit des disputes. Je m’en tiens donc à ce qui n’a jamais été disputé, à ce qui a toujours emporté le consentement de tous les hommes, avant Jésus et après Jésus ; à ce qu’il a confirmé de sa bouche, et qui ne peut être nié par personne : Il faut aimer Dieu et son prochain[5].

Si l’Écriture offre quelquefois à l’âme une nourriture que la plupart des hommes ne peuvent digérer, nourrissons-nous des aliments salubres qu’elle présente à tout le monde : Aimons Dieu et les hommes, fuyons toutes les disputes. Les premiers chapitres de la Genèse effarouchaient les esprits des Hébreux, il fut défendu de les lire avant vingt-cinq ans : les prophéties d’Ézéchiel scandalisaient, on en défendit de même la lecture ; le Cantique des cantiques pouvait porter les jeunes hommes et les jeunes filles à l’impureté, Théodore de Mopsueste, les rabbins, Grotius, Châtillon, et tant d’autres, nous apprennent qu’il n’était permis de lire ce cantique qu’à ceux qui étaient sur le point de se marier.

Enfin, mes frères, combien d’actions rapportées dans les livres hébreux qu’il serait abominable d’imiter ! Où serait aujourd’hui la femme qui voudrait agir comme Jahel[6], laquelle trahit Sizara pour lui enfoncer un clou dans la tête ; comme Judith[7], qui se prostitua à Holoferne pour l’assassiner ; comme Esther[8], qui, après avoir obtenu de son mari que les Juifs massacrassent cinq cents Persans dans Suze, lui en demanda encore trois cents, outre les soixante et quinze mille égorgés dans les provinces ? Quelle fille voudrait imiter les filles de Loth[9], qui couchèrent avec leur père ? Quel père de famille se conduirait comme le patriarche Juda, qui coucha avec sa belle-fille ?[10], et Ruben, qui coucha avec sa belle-mère[11] ? Quel vayvode imitera David, qui s’associa quatre cents brigands perdus, dit l’Écriture[12], de débauches et

  1. Luc iv, 5 ; Matt., iv, 8.
  2. Matth., xxi, 19 ; Marc, xi, 13.
  3. Matth., viii, 32 ; Marc. v, 13.
  4. Verset 27.
  5. Voyez ci-dessus, page 229.
  6. Juges, iv. 17-21.
  7. Judith, xiii.
  8. Esther, ix. 6-15.
  9. Genèse, xix, 33.
  10. Ibid., xxxviii, 16.
  11. Ibid., xxxv, 22.
  12. I. Rois, xxii, 2.