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sième cardinal Barberin, baptisé aussi sous le nom d’Antoine. Il était frère du pape Urbain VIII. Celui-là ne se mêlait ni de vers ni de gouvernement. Il avait été assez fou dans sa jeunesse pour croire que le seul moyen de gagner le paradis était d’être frère lai chez les capucins. Il prit cette dignité, qui est assurément la dernière de toutes ; mais étant depuis devenu sage, il se contenta d’être cardinal et très-riche. Il vécut en philosophe. L’épitaphe qu’il ordonna qu’on gravât sur son tombeau est curieuse :

Hic jacet pulvis et cinis, postea nihil.

Ci-gît poudre et cendre, et puis rien.

Ce rien est quelque chose de singulier pour un cardinal.

Mais revenons aux affaires de Parme. Pamphile, en 1646, voulut donner à Castro un évêque fort décrié pour ses mœurs, et qui fit trembler tous les citoyens de Castro qui avaient de belles femmes et de jolis enfants. L’évêque fut tué par un jaloux. Le pape, au lieu de faire chercher les coupables, et de s’entendre avec le duc pour les punir, envoya des troupes et fit raser la ville. On attribua cette cruauté à dona Olimpia, belle-sœur et maîtresse du pape, à qui le duc avait eu la négligence de ne pas faire de présents lorsqu’elle en recevait de tout le monde. Démolir une ville était bien pis que de l’incamérer. Le pape fit ériger une petite pyramide sur les ruines, avec cette inscription : Quì fu Castro[1].

Cela se passa sous Rainuce II, fils d’Odoard Farnèse. On recommença la guerre, qui fut encore moins meurtrière que celle des Barberins. Le duché de Castro et de Ronciglione resta toujours confisqué au profit de la chambre des apôtres, depuis 1646 jusqu’à 1662, sous le pontificat de Chigi, Alexandre VII.

Cet Alexandre VII ayant, dans plus d’une affaire, bravé Louis XIV, dont il méprisait la jeunesse et dont il ne connaissait pas la hauteur, les différends furent poussés si loin entre les deux cours, les animosités furent si violentes entre le duc de Créquy, ambassadeur de France à Rome, et Mario Chigi, frère du pape, que les gardes corses de Sa Sainteté tirèrent sur le carrosse de l’ambassadrice, et tuèrent un de ses pages à la portière[2]. Il est vrai qu’ils n’y étaient autorisés par aucune bulle ; mais il parut que leur zèle n’avait pas beaucoup déplu au saint-père. Louis XIV fit craindre sa vengeance. Il fit arrêter le nonce à Paris, envoya

  1. Ici fut Castro.
  2. Voyez le chapitre vii du Siècle de Louis XIV, tome XIV, page 229.